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Quand au début des années 80, Dan Aykroyd présente la première version de son script de Ghostbusters à Ivan Reitman, le réalisateur y voit un film "impossible à faire mais avec de brillantes idées". L’histoire, bien plus sombre, se déroulait dans le futur, où des chasseurs de fantômes voyageaient sur différentes planètes et dans des dimensions parallèles. 

Reitman réussit à convaincre Aykroyd qu’il faut remanier le scénario - ne serait-ce que pour faire baisser le coût de production - et faire appel à Harold Ramis, qui accepte de devenir coscnéariste (puis acteur). Dans le même temps Frank Price, alors président de Columbia Pictures, voit tout de suite l’intérêt de Ghostbusters, malgré un budget très imposant de 30 millions de dollars. La copie est largement remaniée par le duo, qui transformera le film en pure comédie fantastique, peut-être même la meilleure du genre. La suite, tout le monde la connaît : Bill Murray, Sigourney Weaver, Ernie Hudson, le proton-pack, Bouffe-tout, le Bibendum Chamallow, l’Ecto-1, la bande originale signée Ray Parker Jr

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Le film est accueilli à grand renfort de louanges lors de sa sortie en 1984, de la part du public comme de la presse. Le célèbre critique de cinéma Roger Ebert écrivait à l’époque que Ghostbusters est "l’exception à la règle qui dit que de gros effets spéciaux peuvent tuer une comédie. Rarement un film aussi coûteux aura fourni autant de répliques dignes d’être citées". La messe est dite et les spectateurs se ruent dans les salles, faisant de SOS Fantômes un immense succès, avec près de 300 millions de dollars récoltés au box-office mondial. Le long-métrage se paiera même le luxe de devenir la deuxième plus grosse réussite de l’année aux États-Unis, juste derrière Le Flic de Beverly Hills.

Au-delà du magnétisme presque indicible qui s’en dégage, Ghostbusters fait partie de ces rares films qui ont contribué à redonner à New York ses lettres de noblesse dans l’inconscient collectif. Au début des 80’s, la capitale culturelle mondiale souffre d’une image de ville violente et appauvrie. L’industrie du divertissement s’est depuis longtemps délocalisée à Los Angeles, à l’exception notable de quelques pépites comme le Saturday Night Live (où de nombreux acteurs de Ghostbusters ont d’ailleurs fait leurs preuves). Tom Shales, célèbre critique télé, assure que le film a ouvert la voie à une nouvelle vie pour la Grosse Pomme : "Ghostbusters disait : ‘C’est OK d’aimer New York à nouveau. New York est de retour à son plus haut niveau’ ". Aykroyd ne s’est jamais caché d’adorer l’ambiance de la ville, son architecture et ses habitants. SOS Fantômes est un hommage à New York, une vraie lettre d'amour. Et ce n’est pas un hasard si la toute dernière réplique du film, lâchée par Ernie Hudson, est celle-ci : "I love this town". Gotham le lui rend bien : difficile aujourd’hui de regarder un building des années 30 ou une caserne de pompiers new-yorkais sans penser aux plus célèbres chasseurs de fantômes de la planète.

 

Trente-et-un an plus tard et malgré une suite plus faible en 1989, Ghostbusters a gardé intact son pouvoir de fascination. Toujours aussi drôle, rythmé et visuellement marquant malgré le poids des années, le film de Reitman conserve sans forcer son statut d’oeuvre culte. Cette réussite, le film la doit en grande partie à ses anti-héros terriblement attachants : Venkman est un coureur de jupons égocentrique, Stantz un grand gamin et Spengler un nerd au dernier degré. L'inverse de ce que Hollywood avait l'habitude de proposer et loin, bien loin d'un Indiana Jones par exemple. Reitman et Aykroyd ont imposé une nouvelle sorte de blockbuster à gros budget, sans véritable tête d'affiche et avec de quasi losers pour personnages principaux. Dans un certain sens, le premier blockbuster pour geeks, fait par des geeks. Une telle référence que personne n’avait trouvé la formule idéale pour un troisième volet, pas même Dan Aykroyd, qui s’est maintes fois cassé les dents sur l’exercice. Il aura fallu attendre 2014 pour que Paul Feig mette le nez dedans et décide de rebooter la franchise plutôt que de se risquer à l’égratigner. Le réalisateur de Spy a d'ailleurs prévenu maintes et maintes fois qu'il ne "ruinerait" pas notre enfance avec sa version 100 % féminine. On ne s'attaque pas à une légende sans prendre de gants.

François Léger

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