Toutes les critiques de L'Anglais

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Dès le début du film le propos est posé, l'environnement aussi. Terence Stamp est un quinquagénaire assumé qui desserre sa cravate à son arrivée à l'aéroport tout en fredonnant une mélodie mélancolique sur fond de musique Rock. L'alternance des champs ponctuant ce fond musical insiste sur l'alliance des trois éléments : un passé multiforme et difficilement définissable, un soulagement présent, un futur tranquille. Ni ange miraculé, ni criminel pervers, c'est en fait un patchwork d'images qui compose le caractère de Dave Wilson. Aujourd'hui il règle ses comptes hors-champs, dans une violence suggérée, d'autant plus exacerbée qu'elle est minimilaliste. Quand Wilson tue une bande de dealers, nous ne voyons qu'un entrepôt dans lequel on sait qu'il se passe un cassage de gueule en bonne et due forme, nous entendons les voix, les coups, qui sont encore plus prégnants que s'ils étaient à l'écran.Soderbergh continue de jouer avec le montage en déstructurant toute son histoire, en niant tout principe de linéarité grâce à une utilisation judicieuse de la voix-off. En répétant les mêmes images - comme il le faisait dans Hors d'Atteinte - Steven Soderbergh juxtapose différentes façon de raconter les mêmes événements, différentes façon de les voir et de les rapporter selon les protagonistes qui les ont vécus. Il insiste plus sur la façon de dire l'histoire que sur sa perception. L'Anglais est un hommage à la belle période soixante-huitarde, en même temps qu'une critique de celle-ci. Si Terence Stamp a été choisi dès la conception du scénario ce n'est pas seulement pour son brillant passé d'acteur avant-gardiste (il a joué entre autre dans Théorème de Pasolini 1968, dans des films de Fellini et de Peter Brook). Soderbergh et Lem Dobbs voulaient en effet intégrer des images d'un de ses précédent film. Ils ont donc racheté les droits de Pas de Larmes pour Joy de Ken Loach, un film noir et blanc réalisé en 1967, et dans lequel il joue un voleur britannique nommé... Wilson. Ceci permet une nouvelle fois au réalisateur de jouer sur le thème présent/passé, mais aussi sur quelque chose de l'ordre du documentaire. Par exemple la figure de Peter Fonda acteur mythique d'Easy Rider (Denis Hopper - 1970), des Anges Sauvages (The Wild Angels - Roger Corman - 1966), agit comme une référence à cette époque toujours admirée, pendant laquelle le cinéma était plus auteuriste, plus vindicatif, plus engagé. Soderbergh se moque de cette admiration qui n'en finit plus, il filme Fonda se curant les dents de son sourire dentifrice et lui fait dire d'un air détaché : "des sixties les seules bonnes années étaient 66 et 67, le reste..."L'Anglais est un film enthousiasmant, inventif, drôle et amer. Soderbergh nous raconte une histoire comme peu de gens savent le faire, et je veux bien qu'on relève le défit de me prouver qu'il serait "creux, artificiel, chic et toc, au scénario indigent" (L'Eclipse N°30).