Comme beaucoup de pionniers, Sidney Franklin et son frère Chester sont passés par toutes sortes de professions avant d'échouer en 1913 dans un Hollywood naissant. Là, peu à peu, Sidney et Chester gravissent les échelons et passent à la mise en scène. Le maladif Sidney resta actif dans cette branche jusqu'en 1937. Après quoi, il est passé aux activités de production, pour enfin se retirer en 1958, après The Barrets of Wimpole Street, qui marquait un retour à la mise en scène après vingt ans d'absence et qui était le remake d'un de ses plus grands succès.Cet homme modeste, timide, toujours en retrait, n'a jamais rien fait pour sa propre publicité. Quand on lui parlait de sa carrière, il reportait volontiers toutes les qualités qu'on pouvait lui trouver sur son frère Chester, et il donnait comme ses meilleurs films ceux que d'autres avaient réalisés sous sa supervision (par exemple Madame Miniver de William Wyler ou Prisonniers du passé Random Harvest, de Mervyn LeRoy, tous deux réalisés en 1942). Et pourtant maintenant, vue avec le recul, la plupart du temps, il est vrai, dans l'ombre confidentielle des cinémathèques, son uvre est celle d'un véritable artiste, fin, sensible et profondément romantique, celle d'un pionnier au métier considérable, à la technique sans faille et aux effets sûrs. On dit le plus grand bien des films pour enfants qu'il coréalisa avec Chester dans les années 10. Il travailla seul à partir de 1918.Avec en main un scénario suffisamment romanesque, Franklin était capable de changer le fer en or, sans que le genre cinématographique importe vraiment. Qu'il touche au western (Heart of Wetona, 1918) ou à l'opérette (Beverly of Graustark, 1926), tout peut lui réussir. Heart o the Hills et The Hoodlum (1919), avec Mary Pickford, frappent par leur considérable invention décorative, comme Her Sister From Paris (1925) par son rythme trépidant. Mais c'est dans le drame ou la comédie romantique qu'il excelle, n'hésitant pas, travailleur attentif et patient, à peaufiner son travail sur deux versions (Victoire du cur Smilin' Through, 1922 et Chagrins d'amour, id., 1932 ; Miss Barrett The Barretts of Wimpole Street, 1934 et la version homonyme de 1957). Ses meilleurs films sont sans doute la Galante Méprise (Quality Street, 1927), où brille Marion Davies, les Amants terribles / Vies privées (Private Lives, 1931), magnifique et fidèle adaptation de Noël Coward, l'Ange des ténèbres (The Dark Angel, 1935), mélodrame sombre et vigoureux, Visages d'Orient (The Good Earth, en CORÉ, 1937), superproduction où le gigantisme n'entame jamais la délicatesse psychologique, et surtout ces deux chefs-d'uvre du faux style anglais MGM que sont Chagrins d'amour et Miss Barrett. Norma Shearer s'y révélait l'actrice privilégiée de ce miniaturiste précis, continuateur anachronique de l'esprit victorien dans l'Hollywood de l'âge d'or.