Nom de naissance Hoghe
Avis

Biographie

[mediabox  id_media="126072" align="right" width="200" height="245"][/mediabox]« Jeter son corps dans la bataille » : cette phrase de Pasolini, Raimund Hoghe en a fait sa devise. De son corps difforme, qui le condamnait, dit-il, à des rôles prédestinés de bossus, le chorégraphe et danseur allemand a voulu faire « un exemple », une manière de « parler de la beauté ». Dans plusieurs duos récents avec de jeunes danseurs, il revisite des classiques de l'histoire de la danse.Inspiré, entre autres, par le danseur de butô Kazuo Ohno, qui à 90 ans se produisait toujours sur scène, Raimund Hoghe, qui fut pendant dix ans le dramaturge de Pina Bausch, décide au début des années 1990 de mettre de côté sa carrière de journaliste et d'écrivain pour réaliser le rêve qui le tient depuis l'enfance : danser sur scène.Voir Raimund Hoghe sur scène, avec sa cage thoracique déformée, ses petites jambes et son regard intense, est une expérience de spectateur unique, qui interroge chacun sur sa manière de voir le corps, de concevoir la beauté, de penser la danse. Dans un entretien avec Rosita Boisseau réalisé en 2004, Hoghe affirme : « En me contemplant sur un plateau, les spectateurs voient ce qu'ils ne veulent généralement pas voir et s'interrogent sur le droit que j'ai de me montrer ainsi, de m'exprimer et au-delà sur le droit que j'ai ou non de vivre », faisant ici référence au sort destiné aux handicapés dans l'Allemagne nazie. Entre dégoût et empathie, l'artiste constate avec justesse que le regard porté sur son corps ne peut être neutre. Beautés doublesDepuis 2004, Raimund Hoghe a mis en scène sur des musiques emblématiques de l'histoire de la danse (Stravinsky, claude debussy, gustav mahler, johann sebastian bach) une série de duos avec de jeunes danseurs au sujet desquels il déclare avec une grande simplicité : « Dans mes pièces j'utilise des musiques que je trouve belles, des matériaux que je trouve beaux. Je les mets tout contre mon corps que généralement on ne trouve pas beau ». Au désir inconscient d'identification à un corps beau, qui jusqu'à la fin du XXe siècle caractérisa la danse, Raimund Hoghe répond par l'ambiguïté de la notion de beauté dans des mises en scène ritualisées d'une rare charge émotionnelle.Ainsi dans Sans titre (2009), présenté à Gennevilliers lors du dernier Festival d'Automne, Hoghe en maître de cérémonie quadrille le plateau de bougies ou de pierres, délimitant le lieu du rite et guidant les mouvements muets du chorégraphe et danseur congolais Faustin Linyekula, dont la solennité est accentuée par la musique de Bach et Purcell. Tandis que le corps du jeune danseur, comme possédé, commence à onduler comme une flamme, Hoghe accomplit des gestes ténus, la seule présence de son corps suffit. « Pièce politique », selon le chorégraphe, Sans titre rassemble deux danseurs, deux corps, qui ont en commun le « refus de (se) poser en victimes ou de (se) reposer sur (leur) passé ». [mediabox  id_media="126073" align="null" width="500" height="330"][/mediabox]Sacre - The Rite of Spring (2004), chorégraphié avec Lorenzo de Brabandere, est une pièce sur le mouvement comme signe, qui emprunte au Sacre du Printemps de Stravinsky sa trame narrative et sa montée en puissance dramatique. La vigueur de la musique démultiplie l'expressivité des gestes simples accomplis par les deux danseurs, au lieu de les porter à la physicalité virtuose qui caractérise généralement les chorégraphies du Sacre (maurice béjart, marie chouinard, Bausch, angelin preljocaj). Ici encore, on retrouve le thème du double et ses significations associées : réciprocité, gémellité, miroir, transmission... Le thème du sacrifice, au coeur de l'oeuvre de Stravinsky, acquiert ainsi une dimension supplémentaire.Dans L'Après-midi (2008), Raimund Hoghe s'attache à un autre moment charnière de l'histoire de la danse, en confiant à Emmanuel Eggermont une réinterprétation du rôle de Nijinsky dans la chorégraphie du Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy. Comme dans Sacre, Hoghe écourte le titre de la pièce, et cherche plus à « donner un espace » aux souvenirs des précédentes versions qu'à les copier. Conservant les gestes icôniques inventés par Nijinsky (corps de profil, poignet cassé, doigts serrés) et la structure de l'oeuvre, Hoghe en prolonge la durée en ajoutant au morceau original des Lieder de Mahler, et ainsi « laisse le sens ouvert ». Son rôle y est très sommaire, mais sa présence indispensable. Pieds nus, il délimite par des verres d'un liquide blanchâtre les espaces dans lesquels le danseur évolue, avant de les renverser au centre de la scène, concrétisation symbolique du désir assouvi du faune. Comme dans Sans titre et Sacre, corps à corps silencieux, Hoghe se fait le révélateur de la beauté, son indispensable officiant.[mediabox  id_media="126074" align="null" width="500" height="355"][/mediabox]Magali LesauvageCrédit photos. Raimund Hoghe © Rosa Frank. Raimund Hoghe et Faustin Linyekula dans Sans titre © Rosa Frank . Raimund Hoghe et Lorenzo de Brabandere dans Sacre - The Rite of Spring © Rosa Frank