Ce qu’il faut voir en salles.
L’ÉVÉNEMENT
RED ROCKET ★★★☆☆
De Sean Baker
L’essentiel
Après Florida Project, Sean Baker signe le portrait d’un loser qui devient le symbole de l’Amérique ultra-libérale.
Quelques mois avant l’élection de Donald Trump. Mikey, une pornstar lessivée revient dans son bled du Texas. Il s’incruste chez son ex-femme et son ex belle-mère le temps de se refaire une santé. Il prétend être de passage et cherche du boulot, mais dans une Amérique ravagée par la crise, Mikey ne trouve rien. Il se met à vendre du shit pour se faire un peu d’argent et tombe sur Strawberry, une gamine de 17 ans, la séduit et progressivement, voit en elle son ticket de retour à L.A… Il y a plusieurs films dans Red Rocket. D’abord une belle étude de caractères. Mikey est un personnage ambivalent. Egoïste et arrogant, superbe et misérable, un type capable d’arnaquer ses proches sans une once de regret. On s’attache progressivement à ce toy boy inconséquent grâce à une écriture sur le fil, irrévérencieuse et sensible, corrosive sans être gratuite. Mais c’est aussi grâce à la performance impressionnante de son interprète Simon Rex que ça marche. Pourtant Red Rocket est un peu plus que ça. Car derrière le portrait du loser se cache un film politique. Une peinture de l’Amérique White trash. Avec ses rêves de grandeur et d’argent facile nourris par sa lâcheté et son immaturité, Mikey devient l’incarnation de l’Amérique Trumpienne, prête à tout pour atteindre ses ambitions misérables.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
LES VOISINS DE MES VOISINS SONT MES VOISINS ★★★★☆
De Anne- Laure Daffis et Léo Marchand
Un ogre qui se casse les dents la veille de la grande fête des ogres, un magicien qui rate son tour de la femme coupée en deux avec son assistante, un vieux monsieur qui tombe amoureux de la paire de jambes de cette femme coupée en deux, un randonneur suréquipé qui reste coincé plusieurs jours dans un ascenseur avec son chien… Voici quelques- uns des dix personnages tous plus allumés les uns que les autres, habitant le même immeuble dont ce film d’animation raconte les destins entremêlés. Et le résultat se révèle tout bonnement époustouflant. 90 minutes trépidantes où leur art du burlesque poétique se déploie sans temps mort au fil d’un récit qui réussit à ne jamais perdre un personnage en route tout en multipliant, façon feu d’artifice permanent, les techniques d’animation (papier découpé, dessin, images d’archives…) pour les adapter à chaque personnage et aux situations qu’ils rencontrent. Un geste artistique d’une puissance ludique renversante.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéH6 ★★★★☆
De Ye Ye
Plus de deux millions de patients se croisent chaque année dans l'hôpital numéro 6 de Shangaï. La franco- chinoise Ye Ye y a planté ses caméras pour suivre cinq patients au destin différents. Une enfant qui, alors qu'elle jouait dans la rue, s'est fait écraser la main par un bus ; une ado qui se remet d'un terrible accident de voiture, veillée par son papa étrangement euphorique qui chante dans les couloirs ; un paysan qui s'est cassé la colonne vertébrale ; un homme d'âge mur au genou cassé et une vieille dame gardée par son vieux mari. Ne s’aventurant jamais sur le terrain institutionnel ou politique, Ye Ye enregistre capte la détresse psychologique des malades, les épreuves qu'ils traversent, les solidarités comme la solitude... sans jamais verser dans le misérabilisme. Poétique, drôle, touchant, émouvant, H6 raconte aussi le rapport d'un peuple à la maladie, à la vie et à la mort. A sa culture. Fascinant.
Gaël Golhen
THE SOUVENIR- PART I ET II ★★★★☆
De Joanna Hogg
Quatrième long de la britannique Joanna Hogg, ce diptyque apparaît comme la porte d’entrée idéale à son cinéma, sorte d’aboutissement de son travail doublé d’un retour aux sources, puisque largement inspiré de sa propre vie et de ses débuts derrière la caméra, puisqu’elle y revisite même son court métrage de fin d’études. On y suit la première passion amoureuse vécue par une jeune femme dans les bras d’un homme instable mais qui a su poser sur elle ce regard qui lui a permis pour la première fois de croire en elle et de s’affranchir d’une famille aimante mais castratrice. The Souvenir raconte avec superbe la puissance des premiers emballements du cœur puis la fin abrupte de cette histoire et son deuil violent qui passe par le prisme du film qu’il va lui inspirer. Et on ne décroche jamais de ce récit, aimanté par celle qu’Hogg a choisi comme interprète principale : Honor Swinton- Byrne, fille à la ville comme à l’écran de Tilda Swinton, tant il émane d’elle une douceur, une cinégénie et une capacité démentes à faire vivre par un simple regard ou un geste en apparence banal toute la joie comme toute la douleur du monde. Du (très) grand art.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
LES JEUNES AMANTS ★★★☆☆
De Carine Tardieu
Carine Tardieu raconte une histoire d’amour entre une femme de 70 ans qui pensait ce type de passion derrière elle depuis longtemps et un homme de 45 ans, marié et heureux en couple. Le fameux coup de foudre qui vous tombe dessus et balaie tout mais dont la fameuse différence d’âge va susciter des réactions exacerbées. Et elle signe son plus beau film en développant un personnage de septuagénaire qui peine à croire et, pour partie, à vivre cet amour aussi intense que ne le furent ses premiers battements de cœur. Avec en plus cette urgence du temps qui passe et de cette maladie tue à ses proches mais qui envahit de plus en plus son corps. La réalisatrice fuit tout pathos pour raconter une passion capable de tout renverser sur son passage, où Melvil Poupaud et Fanny Ardant se révèlent sublimes de complicité et d’intensité.
Thierry Cheze
PETITE SOLANGE ★★★☆☆
De Axelle Ropert
Solange a 14 ans, habite Nantes et a des parents qui ressemblent à Philippe Katerine et Léa Drucker. Bref, la vie est belle. Sauf que derrière des portes à peine closes, la jeune fille sensible (la révélation Jade Springer) se rend bien compte que ce cocon familial menace d’imploser. Le spectre du divorce plane… Le nouveau Axelle Ropert (La famille Wolberg), ne prend pas la forme d’un drame adolescent classique avec son lot de situations devenues clichés. En truffaldienne assumée, elle croit dur comme fer à l’intelligence et à la complexité de ces « enfants », obligés d’accepter le poids « d’être au monde », de réparer ce qui invariablement se brise. Devenir adulte, c’est devenir maître d’un royaume qui n’est pas le sien, composer avec un chaos permanent. Petite Solange raconte tout ça, avec une grâce folle, sans tapage.
Thomas Baurez
ARTHUR RAMBO ★★★☆☆
De Laurent Cantet
C’est l’histoire d’un Lucien de Rubempré 2.0. Comme le héros balzacien, Arthur « monte » à Paris, ou plutôt ici, traverse le périph’, pour conquérir le beau monde de la capitale. Arthur Rambo est en réalité le double fictionnel de Mehdi Meklat, dont le film s’inspire de « l’affaire ». Ce jeune journaliste et romancier a été rattrapé en 2017 par une série de tweets haineux de son cru explicitement racistes, homophobes, sexistes..., exhumés des limbes du réseau social. En un claquement de doigt, ce nouveau chouchou des médias bon teint, s’est vu frappé de disgrâce. Laurent Cantet raconte de manière directe ce point de basculement qui voit son héros choir de son socle et resserre opportunément le temps de l’intrigue (une nuit). Des hauteurs parisiennes où il fête le succès de son livre, le paria redescend dans sa banlieue populaire jusqu’au domicile familial (la chute est avant tout sociale). Cantet signe un film un brin scolaire dans son traitement mais d’une implacabilité exemplaire. Rabah Naït Oufella que le même Cantet avait lancé avec Entre les murs en 2008, se révèle d’une parfaite justesse de ton, doux mais tenace, physique mais prompt à s’effacer. Il est le point de tension d’un film qui regarde, sidéré, un jeune homme moderne tomber.
Thomas Baurez
VAILLANTE ★★★☆☆
De Laurent Zeitoun et Théodore Ty
Dans un New York fantasmé pendant les années 20, la jeune Georgia rêve d'être pompier comme son père. Mais le règlement interdit aux femmes de faire partie du corps des firemen. Elle va alors se déguiser en homme et aider son père à découvrir l'identité du Pyromane, un super-méchant qui menace la ville... Dit comme ça, un film pareil, ça passe ou ça casse, en prenant le risque de se situer dans l'animation pour enfants « mature » et de ne contenter personne. Bonne nouvelle : ça passe du feu de Dieu. Doté d'une animation super chouette, d'une écriture solide et de personnages inattendus (un chauffeur asiatique casse-cou et narcoleptique, un chef de la police fan de musicals...), Vaillante est un très bon film de superhéros pour toute la famille (promis) qui tire joliment parti de son univers.
Sylvestre Picard
VANILLE ★★★☆☆
De Guillaume Lorin
Ce court métrage (précédé, en salles, de deux autres réussites dans ce même format, Kiko et les animaux et Ton français est parfait) met en scène une ado parisienne au caractère bien trempé qui se retrouve contrainte et forcée par son père (qui l’élève seule) à aller passer ses vacances chez sa tante en Guadeloupe. Mêlant animation en 2D et prises de vues réelles, Vanille a dans ses premières minutes les atours d’une comédie familiale avant de bifurquer vers un conte initiatique fantastique, où en découvrant les secrets de l’île dont sa mère décédée était originaire, sa jeune héroïne va apprendre à mieux se connaître elle- même. Un équilibre parfaitement maîtrisé qui donne à Vanille un piquant et une espièglerie qui l’éloigne de toute mièvrerie.
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
INTRODUCTION ★★☆☆☆
De Hong Sang-soo
Durée hyper courte, large place consacrée aux ellipses comme aux dégustations sans modération de breuvages alcoolisées… Nul doute : on est bien chez Hong Sang- Soo, le stakhanoviste du cinéma sud- coréen, auteur de pas moins de 16 films depuis 10 ans ! Celui- met en scène un jeune Coréen tentant de trouver sa voie entre les souhaits et les attentes de ses parents et sa petite amie partie étudier à Berlin. Le jury de la Berlinale 2021 lui a décerné son prix du scénario. La lumière noir et blanc composée par ses soins est magnifique, l’ambiance poétique, le minimalisme parfaitement maîtrisé. Mais on cherche en vain sa singularité dans son parcours. A force de se démultiplier à chaque poste – réalisateur, producteur, scénariste, chef op’, monteur, compositeur… – son cinéma finit par étouffer. On le regarde avec admiration mais sans passion. En attendant le suivant…
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
SUPER- HEROS MALGRE LUI ★☆☆☆☆
De Philippe Lacheau
Acteur raté, Cédric (Philippe Lacheau) décroche sur un coup de chance un rôle dans un film de super-héros. Après avoir emprunté la voiture de tournage, il est victime d’un accident qui lui fait perdre la mémoire. Encore vêtu du costume et entouré des accessoires du film, il croit réellement être un justicier masqué… Si son Nicky Larson avait un peu retenu notre attention, Lacheau retombe ici dans l’abattage de gags potaches à peine écrits (mais d’où vient cette obsession pour l’insertion d’objets dans le rectum ?). La plupart des personnages secondaires semblent sortis d’un autre scénario et Super-héros malgré lui ne sait jamais où se placer entre parodie, film d’action et comédie romantique. Les fans s’y retrouveront, ceux qui ont dépassé le stade anal pourraient avoir un peu plus de mal.
François Léger
Et aussi
Jean Dupuy Ypudu, de Gilles Coudert
Reprises
Dilinger est mort, de Marco Ferreri
J’ai le droit de vivre, de Fritz Lang
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