Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
NAPOLEON ★★★★☆
De Ridley Scott
L’essentiel
Un récit surpuissant -et découpé à la hache- de la vie de l’Empereur, qui manque peut-être d’un angle mais certainement pas de cinéma.
Napoléon s’ouvre sur l’exécution de Marie-Antoinette. Et, très vite, on va comprendre que cette intro raconte qu’on a sous nos yeux une version tronquée du film : 2h40 seulement, alors que Ridley Scott promet depuis des mois une version de plus de 4 heures pour le streaming qu’on pourrait baptiser le Josephine’s cut. Car Joséphine (géniale Vanessa Kirby) n’occupe qu’une position périphérique dans un film construit à partir d’une série de morceaux de bravoure censés donner une vaste idée la vie de Bonaparte. Reste que Scott sera toujours un filmeur balaise : cet assemblage hétéroclite est fait de moments souvent colossaux, jouant sur les contrastes -entre ombre et lumière, entre individu et masse, entre anecdote et histoire avec un H. Eternel gamin, politiquement génial et dominé par les femmes, Napoléon fascine au fond moins Scott que de l’inscrire dans de vastes mouvements de cinéma, qu’ils soient faits de batailles, de tractations ou même de sexe. Voir l’Empereur prendre en levrette Joséphine entre deux batailles permet ainsi d’inscrire le film dans la lignée des biopics radicaux seventies : le déboulonnage, c’est déjà pas mal. Si c’est bien filmé, c’est encore mieux. La preuve.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
MARS EXPRESS ★★★★☆
De Jérémie Périn
On est en 2200, la planète rouge est colonisée depuis longtemps et une détective privée, accompagnée par son binôme androïde, cherche à élucider la disparition d’une étudiante en cybernétique. Une enquête entre la Terre et Mars qui va secouer toute la civilisation… Élevé à l’école Métal Hurlant, le réalisateur Jérémie Périn (impose très naturellement un univers peuplé de robots intelligents, de meurtres crapuleux, de magouilles, d’institutions corrompues et de pas mal de second degré. De la science-fiction qui dialogue avec Ghost in the Shell et Blade Runner sans se faire écraser par ces références intouchables. Le vertige survient autant par la mise en scène que par une patte visuelle assez inimitable, à la jonction d’un réalisme glacial et d’exagérations typiques de la japanimation. Après ça, la SF française ne sera plus jamais la même.
François Léger
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
L’ARCHE DE NOE ★★★☆☆
De Bryan Marciano
L’entame de L’Arche de Noé, la cacophonie vite épuisante qui y règne donnent la clé du film. Cette idée qu’on va suivre cette plongée au cœur d’une association accueillant des jeunes LGBT jetés à la rue par leurs familles dans la tête d’Alex, que les aléas de la vie ont contraint à venir y bosser mais qui débarque avec une seule envie : se barrer au plus vite. Logique donc que ces ados lui cassent la tête avant que, peu à peu, il s’intéresse à eux. Et pour autant, ce récit n'a rien de programmatique. Marciano sait pour avoir passé du temps dans une de ces associations que chaque individu qui vient s’y réfugier est unique. Il arrive ici à en faire vivre une bonne douzaine avec une dextérité jamais pris en défaut. Il les rend attachants aussi bien parce qu’ils nous touchent que parce qu’ils nous agacent. Finnegan Oldfield, lui, impressionne dans le rôle central tout comme Valérie Lemercier (qui joue la directrice de ce refuge) par sa composition tout en épaisseur et nuances. A l’image du film tout entier.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéTESTAMENT ★★★☆☆
De Denys Arcand
Cinéaste québécois bien connu pour Le Déclin de l’empire américain ou Les Invasions barbares, Denys Arcand est aujourd’hui âgé de 82 ans et signe une savoureuse comédie sur la cancel culture qui insiste précisément sur le décalage entre générations. Il imagine ainsi l’histoire d’un célibataire septuagénaire vivant dans une maison de retraite dont la directrice va devoir gérer un conflit avec de jeunes manifestants qui réclament l’effacement d’une fresque murale donnant selon eux une image offensante de la colonisation. Si la situation entraîne imbroglios politiques et désaccords existentiels, le film a la judicieuse idée de privilégier l’humour et même d’oser la comédie sentimentale. Au final, Arcand se questionne avec une bonne dose d’ironie et de tendresse sur son propre statut de ringard présumé.
Damien Leblanc
LA COURSE AU MIEL ★★★☆☆
De Anna Blaszczyk
Catastrophe ! On a volé tout le stock de miel de Papa Ours, alors que son fiston réclame un gros gâteau au miel pour son anniversaire… Voilà le père et le fils embarqués dans une drôle d’odyssée pour retrouver la précieuse marchandise, cachée dans un Eldorado mythique au-delà de leur forêt natale. En fait de course, c’est plutôt une enquête à la cool que mènent ces deux plantigrades animés : une poursuite décontractée, tranquille, presqu’immobile -et très rigolote, bien animée et bien doublée- qui réinvente gentiment la mythologie des gentils animaux de la forêt qu’on trouve dans toute la production culturelle pour enfants de masse (ouf ! quelle phrase). En fait, La Course au miel ressemble pas mal à une relecture colorée et tous publics du Village de Shyamalan. Croyez-nous sur parole.
Sylvestre Picard
UN HIVER A YANJI ★★★☆☆
De Anthony Chen
À Yanji près de la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, les hivers sont particulièrement froids et neigeux. Un jour, Haofeng se rend par hasard dans cette région pour un mariage, et se retrouvera tout autant par hasard à prolonger ce séjour, suite à sa rencontre avec Nana et Xiao, une guide touristique et un cuisinier. Il y a quelque chose d’insaisissable dans le trio qui se forme sous nos yeux, et de renforcé par la sensorialité du film (sa plus grande qualité). Croquer un glaçon, le bruit des pas dans la neige, les scènes en boîte de nuit… tous ces éléments donnent de la consistance au doute existentiel que traversent ces jeunes au sortir du covid. Peut-être trop, car à force de jouer sur le registre de la perplexité, c’est bien ce sentiment qui peut finir par envahir le spectateur à son tour.
Nicolas Moreno
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
RIEN A PERDRE ★★☆☆☆
De Delphine Deloget
Après L’Amour et les Forêts, sorti en mai, où Virginie Efira était une mère éplorée devant faire face à un piège (un mari violent) se refermant progressivement sur elle, l’actrice est de retour… dans le rôle d’une mère éplorée devant faire face à un piège (une institution) se refermant progressivement sur elle. Malgré une sincérité évidente et une indéniable justesse, l’actrice peine à se renouveler dans ce drame au misérabilisme forcé, où Delphine Deloget se rapproche du docu-fiction à travers le portrait d’une mère frivole qui tente de récupérer son fils des mains de la justice à la suite d’un incident mineur. En choisissant de raconter l’éternel combat de David contre Goliath, elle parvient à faire adhérer le spectateur à sa cause mais peine à montrer les vices de l’administration française en misant tout sur une émotion brute.
Yohan Haddad
LA VENUS D’ARGENT ★★☆☆☆
De Héléna Klotz
Pour son deuxième long, Héléna Klotz (L’Âge atomique) met en scène une jeune femme de 24 ans, vivant dans une caserne avec son père gendarme, qui entend briser le plafond de verre lié à sa classe sociale et à son sexe en décrochant un job dans la finance. Mais une fois ces bases posées, ce récit d’apprentissage au féminin se fracasse sur les clichés qu’il accumule tant dans la représentation du monde de l’entreprise que dans les moments plus intimes. Le mélange d’onirisme et de réalisme qui fonctionne à l’image (signée Victor Seguin, le chef’op de Gagarine) ne se déploie jamais dans les dialogues ou les situations qui frisent souvent le ridicule involontaire. Mais La Vénus d’Argent a un atout majeur. L’apparition d’une actrice comme un surgissement. La chanteuse Pomme qui fait ses débuts sous son vrai nom et illumine chaque scène de son jeu où limpidité et intensité ne font qu’un.
Thierry Cheze
JOURNAL D’AMERIQUE ★★☆☆☆
De Arnaud des Pallières
Après le court métrage Diane Wellington et le long Poussières d’Amérique, et en parallèle de ses fictions (Michael Kohlhaas, Orpheline…), Arnaud des Pallières poursuit son anthologie documentaire sur l’Amérique vue à travers des images d’archives. Les plans proviennent ici du fonds privé Prelinger et c’est par le montage et de courtes phrases écrites à l’écran que le réalisateur donne vie à un semblant de récit. La première partie propose une méditation sur l’enfance et la mémoire, tandis que la deuxième se veut plus mélodramatique et fait apparaître un jeune américain fictif du vingtième siècle revenu dévasté de la guerre. Malgré l’austérité de son dispositif qui peut vite rebuter, ce film sait nous plonger dans un état hypnotique et donne la sensation que le passé de l’Amérique n’est qu’un songe irréel et lointain.
Damien Leblanc
LA RIVIERE ★★☆☆☆
De Dominique Marchais
Cinéaste du paysage, Dominique Marchais (Le Temps des grâces) poursuit son exploration de la dégradation des différents écosystèmes au nom de la course effréné vers le profit. Ce nouvel opus débute par des hommes et des femmes qui nettoient branche par branche les abords d’une rivière quelque part dans le Sud-Ouest, où se déposent différents déchets. « Ce n’est pas aujourd’hui qu’on sauvera la planète ! » balance l’un d’entre eux avec humour. Et pourtant, tout se mesure à l’échelle microscopique de l’individu - seul ou presque - face à un inéluctable qu’il faut bien repousser sous peine de voir le cycle de nos vies totalement déréglés. Récompensé d’un bien généreux Prix Jean Vigo tant la mise en scène apparaît bien trop sage, La Rivière enchaîne le témoignage d’esprits éclairés et éclairants, pas franchement optimistes sur notre avenir.
Thomas Baurez
LE POIREAU PERPETUEL ★★☆☆☆
De Zoé Chantre
Plus journal filmé que véritable documentaire, ce long métrage de Zoé Chantre nous plonge dans son intimité de la manière la plus déchirante qui soit : en décortiquant le lien qu’elle entretient avec sa mère. Deux existences qui se font échos, deux femmes hantées par la maladie, deux corps meurtris. Mais bien que la réalisatrice s’éloigne du psychodrame avec des séquences animées évoquant ses lubies, le reste manque cruellement de dynamisme pour être totalement captivant.
Lucie Chiquer
CAPELITO FAIT SON CINEMA ★★☆☆☆
De Rodolfo Pastor
Un poil rêveur, Capelito aspire à bien plus que le quotidien simplet d’un champignon de forêt. Sa créativité débordante le pousse à apprendre le tango, la peinture, ou même l’écriture. Ludique, cette compilation de courts-métrages saura ravir les très petits par son animation en stop motion dont l’artisanat épate. Mais les plus grands, eux, s’ennuieront tant le film perd rapidement en divertissement par la répétition de gags saugrenus.
Lucie Chiquer
PREMIÈRE N’A PAS AIME
LE MONDE D’APRES 3 ★☆☆☆☆
De Laurent Firode
Un film, six récits prétendument incorrects et autant de visions paranoïaques et réactionnaires de l’avenir. Avec Le monde d’après, Laurent Firode (Le Battement d’ailes du papillon) compose de petites histoires mesquines dans lesquelles vaccins contre le Covid, nouvelles technologies et militants de gauche sont tous caricaturés en symboles d’un monde qui part à la dérive. Et comble de l’impertinence, ces personnages stupides qui rêvent d’un monde meilleur sont… presque toujours des femmes !
Emma Poesy
Et aussi
Défaillance, de François Mouillard
Je ne suis pas un héros, de Rudy Milstein
Reprises
Guerre et paix, de Sergueï Bondartchouk
Lune froide, de Patrick Bouchitey
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