A voir dimanche soir après Barry Lyndon et dès maintenant sur Arte.tv.
A quoi ressemblait la voix de Stanley Kubrick ? Comment "sonnait" le réalisateur de Shining et 2001, l’Odyssée de l’espace ? L’homme étant notoirement allergique aux interviews, et ayant passé une grande partie de son existence à vivre en ermite, on dispose de très peu d’archives audiovisuelles de lui. Kubrick par Kubrick, le documentaire réalisé par Gregory Monroe (déjà auteur de portraits de Jerry Lewis, Pierre Richard ou Michel Legrand) propose de faire entendre la voix du cinéaste, en utilisant les bandes des interviews données par celui-ci au critique Michel Ciment dans les années 70 et 80. On sait que Michel Ciment, directeur de la rédaction de Positif et exégète kubrickien de première classe, est l’un des rares journalistes à avoir su gagner la confiance du réalisateur et à l’avoir régulièrement approcher pour l’interroger sur ses films et son parcours : en plus de conversations informelles, quatre entretiens eurent lieu, à l’occasion des sorties d’Orange Mécanique, de Barry Lyndon, de Shining et de Full Metal Jacket. Des témoignages historiques précieux, que Ciment a fait numériser par l’Institut Lumière (et qui ont d’ailleurs déjà donné lieu à une série d’émissions sur France Culture, qu’on peut écouter ici).
Des bribes d’interviews de Kubrick, sélectionnées et réagencées par Gregory Monroe (qui disposait en tout de quatre heures d’archives) forment donc l’ossature de ce doc, conçu comme une déambulation à travers la filmographie du génie barbu. Pour donner une cohérence visuelle à ce film surtout basé sur le son, la chambre spatiale 18ème siècle de la fin de 2001, l’Odyssée de l’espace a été reconstituée, et la caméra de Monroe s’y promène, l’envisageant comme un mausolée peuplé de fétiches kubrickiens (le monolithe, les lunettes de Lolita…) autant que comme un labyrinthe, celui de la pensée d’un cinéaste dont on n'aura manifestement jamais fait le tour. Les fans du cinéaste ne trouveront ici aucune info ou révélation fracassante (on connaît ces interviews, pour les avoir lues dans le Kubrick de Ciment), mais savoureront le plaisir fétichiste d’entendre la voix du cinéaste elle-même – posée, courtoise, douce, réfléchie, pas du tout celle d’un tyran misanthrope. Le film refuse l’approche chronologique et préfère zapper d’un grand thème kubrickien à l’autre (la guerre, les machines, les structures sociales, le chaos, la libido…), proposant un digest en forme de mosaïque. Les extraits de films s’entrechoquent avec des archives privées (certaines directement fournies par le "Kubrick Estate"), ainsi que de nombreux extraits d’interviews télé de collaborateurs du cinéaste, en particulier ses comédiens (Tom Cruise et Nicole Kidman, Malcolm McDowell, Sterling Hayden, R. Lee Ermey, le sergent instructeur de Full Metal Jacket…), qui révèlent tous, eux aussi, dans leur propos sur le Maître et son œuvre, une intelligence fulgurante.
Kubrick par Kubrick est diffusé dimanche à 23h55 sur Arte, après Barry Lyndon (à 20h55) et avant un concert symphonique (l’Orchestre philarmonique de Radio France joue les thèmes de Haendel et Schubert qui rythment Barry Lyndon). Kubrick par Kubrick est d’ores et déjà visible sur Arte.tv
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