Rencontre avec le réalisateur et le producteur de Thor : Le Monde des Ténèbres.
Alan Taylor, un des piliers de la chaîne HBO pour laquelle il notamment a réalisé 6 épisodes de la série Game of Thrones, revient au cinéma (il a réalisé trois longs inaperçus : Les Amateurs, Kill The Poor, The Emperor's New Clothes) par la grande porte : la réalisation de Thor : Le Monde des ténèbres, blockbuster super-héroïque produit par Disney/Marvel. Et chapeauté par le producteur Kevin Feige, grand maître du jeu Marvel, responsable des super-films qui dominent le box-office mondial depuis le premier Iron Man en 2008. Rencontre avec le duo Taylor / Feige autour de Loki, de la télé adulte, des super-héroïnes, et des scènes post-générique.
Première : Kevin, pourquoi avoir changé de réalisateur pour la suite de Thor ?
Alan : Oui, c’est vrai ça Kevin. Pourquoi ? (rires)
Kevin : Quand on a fait le premier Thor, on ne savait pas encore s’il y allait avoir une suite. On savait juste qu’on allait jusqu’à Avengers, et c’était tout pour l’instant. Kenneth Branagh a essayé plein de trucs dans le premier film, qui allait dans plein de directions, mais on a su très tôt qu’il ne reviendrait pas pour un éventuel deuxième film. On a alors cherché un remplaçant. Et on regardé les meilleures séries télé actuelles, et beaucoup de leurs épisodes étaient signés Alan Taylor… Vu son travail sur Game of Thrones, on s’est dit que Thor 2 pouvait l’intéresser.
Alan : C’était un très gros challenge. Mélanger fantasy et science-fiction, épées et vaisseaux… Mais ça a l’air de marcher.
Alan, vous avez aussi réalisé des épisodes de Rome, des Soprano, de Boardwalk Empire. On a quand même du mal à trouver des points communs entre la télé adulte à la HBO et un blockbuster Marvel…Alan : Le point commun entre Game of Thrones et Thor, c’est de placer une histoire de famille, intimiste, au milieu d’un monde de fantasy. Et ça, c’est extrêmement important. On voyage dans des univers fabuleux, on fait péter plein de trucs dans le film, mais ça ne marche que grâce à la dynamique entre les deux frères, Thor et Loki, que Branagh a instaurée dès le premier film. Le coup de la copine délaissée au milieu d’une histoire épique, je trouve que c’est aussi le genre de détail qui fait marcher le film. Ou quand Thor accroche son marteau au portemanteau… Evidemment la grosse différence avec la télé, plus que la logistique, c’est le planning. Dans Game of Thrones on tourne tout d’un coup au même endroit. Pour Thor, tu tournes les plans larges d’extérieurs en Islande, puis tu reviens à Londres pour les intérieurs et les plans sur fond vert….
Comment vous analysez le succès du personnage de Loki ?
Kevin : On a fait ce pari dès la conception du premier film, où on lui a donné un rôle hyper important. On a choisi de faire de lui le seul grand méchant d’Avengers, qui était en production alors que le premier Thor n’était pas encore sorti. On a tout misé sur lui alors qu’on n’avait pas encore de feedback sur le personnage ou sur Tom Hiddleston… Le public a réagi comment on le souhaitait. Au-delà, même. Il y a quinze jours on était en promo en Corée du Sud avec Tom, dans un centre commercial, et il a été accueilli par 7 000 fans en délire. Certains déguisés en Loki, avec des panneaux « Loki’s Army ».
Alors, vous allez faire un film dont Loki est le héros ?
Kevin : Malgré tout l’amour que lui portent les fans, ce n’est pas au programme. On a beaucoup gambergé avec Tom sur le futur du personnage. La conclusion de Tom, c’était que Loki se définit par rapport à Thor, et vice-versa. Je ne suis pas sûr que Loki s’éclaterait autant si on le séparait de Thor. Dans les comics, il y a beaucoup de Thor sans Loki, mais peu de Loki sans Thor. On se réserve des surprises dans Thor 3, à partir de ce qui se passe à la fin de Thor 2…
Le film a dû repartir en tournage. Pourquoi ?
Alan : Je t'arrête tout de suite. Ce n’était pas des reshoots, on n’a pas retourné des scènes ratées. C‘était du tournage supplémentaire (additional photography).
La rumeur voulait que c’était pour rajouter des scènes avec Loki. Alors que s’est-il passé ?
Alan : Ca montre déjà à quel point le personnage est populaire auprès du public. Et ça m’a rappelé pourquoi je n’aimais pas les infos à la télé, qui déforme ce genre de nouvelles…
Kevin : Tous les films Marvel ont de l’additional photography. Ce n’est pas exceptionnel. C’est même le meilleur moment : Une fois le tournage principal (principal photography) terminé, on regarde une première version du film et on note les petites choses qu’on doit rajouter ça et là pour qu’il fonctionne. On a rajouté des scènes avec Loki, mais pas que. On voulait surtout montrer son côté trompeur (trickster), notamment lorsqu’il se transforme en plusieurs personnages.
Il y a des femmes fortes dans Thor 2 : Jan (Natalie Portman), Darcy (Kat Dennings), Frigga (Rene Russo)… A quand un film de super-héroïne ?
Kevin : C'est une question qui revient tout le temps. Quand est-ce que les femmes auront leur film stand alone ? On sort deux films Marvel par an, et on doit à la fois prolonger les aventures des héros existants, et créer de nouveaux films. Il faut donc qu’on trouve le temps.
Alan : La réaction des femmes est très positive avec ces films. En plus, ici, on a les deux plus beaux acteurs du cinéma (rires). On a aussi des personnages féminins forts, intelligents, qui prennent des décisions et font partie de l’intrigue. Le public des films Marvel compte autant de femmes que d’hommes désormais.
Kevin : Quand je te parlais des 7 000 fans de Loki, il y avait 80% de femmes dedans.
Evidemment, il faut parler des scènes post-génériques du film. C’est devenu un passage obligé des films Marvel. Comment vous les choisissez ?
Kevin : C’est soit une question d’envie, soit de timing. L’envie, c’est juste une bonne idée -pour Iron Man 3, on voulait se marrer et expliquer que tout le film était en fait raconté par Tony à Bruce Banner. Le timing, c’est pour préparer un des films suivants, comme dans Avengers avec Thanos. Celle de Thor 2 conclut un aspect du scénario du film. Pour la scène à la toute fin d’Iron Man, une partie du public se disait « oh mon Dieu, c’est Nick Fury ! », et l’autre se demandait ce que Samuel L. Jackson venait faire là. J’espère que ça sera la même chose pour le personnage qui apparaît à la fin de Thor 2…
Alan : Pour moi, c’est un petit bonus, la cerise sur le gâteau. Surtout la scène à la toute fin du générique, qui est une sorte de récompense pour ceux qui ont le courage de rester jusqu’au bout.
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