Bennett Miller : "J'ai repensé à Truman Capote pendant Foxcatcher"
Gaumont Columbia Tristar Films/Mars Distribution

Avant de transformer Steve Carell en tueur, le réalisateur américain filmait Philip Seymour Hoffman en écrivain passionné par un sordide fait divers.

Arte consacrera toute sa soirée à une figure de la littérature américaine : Truman Capote. D'abord en rediffusant le film de Bennett Miller, avec Philip Seymour Hoffman dans le rôle titre -qui lui avait offert l'Oscar du meilleur acteur en 2005- puis en proposant un documentaire sur son enquête démarrée en 1959 suite à la lecture d'un article qui l'avait passionné. Le papier racontait le meurtre sanglant d'une famille du Kansas. Le film 6 morts dans la nuit : "De sang-froid", Truman Capote retrace la fascination de l'auteur pour ce fait divers atroce, et la manière dont celui-ci a pu mener sa propre enquête, obtenant l'accord de sa rédaction pour aller sur place, puis recueillant des indices en vue d'en tirer un roman, et allant même jusqu'à obtenir la confession des suspects avant leur exécution, en 1965.

"Touche à touche, le film dresse le portrait d'un personnage complexe, plein de contradictions et d'ambiguïtés, pas forcément sympathique, mais profondément fascinant", écrivions-nous début 2005 en découvrant Truman Capote au cinéma. Le magnétisme de l'acteur est pour beaucoup dans la réussite de ce portrait, tout comme la mise en scène froide de Bennett Miller. Les deux hommes se connaissaient bien, depuis leurs études de cinéma partagées à New York. Catherine Keener, Clifton Collins Jr. ou encore Chris Cooper complètent le casting de ce film très réussi.

Truman Capote
Abaca/Gaumont Columbia Tristar Films

Quelques années après la disparition prématurée de Philip Seymour Hoffman, Miller a réalisé un autre film, tout aussi glaçant, sur un fait divers sordide : Foxcatcher. Rencontré avant sa sortie, il confiait dans Première avoir beaucoup repensé à Truman Capote en préparant ce film. Voici un extrait de son entretien, pour patienter jusqu'à la rediffusion du film, à 20h55 sur Arte. Notez qu'il est également visible en replay gratuitement sur le site de la chaîne durant tout le mois de décembre.

Première : Bennett, vous retracez dans Foxcatcher un fait divers complètement fou. L’histoire de John du Pont, milliardaire philanthrope qui s’était entiché de lutte gréco-romaine et finit par abattre un champion olympique à bout portant. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à cette histoire ?
Bennett Miller : J’avais lu un article, ça m’avait fasciné et je crois que j’ai fait le film uniquement pour retrouver le sentiment étrange que j’avais éprouvé à la lecture de cet article. Ça m’avait captivé, je sentais qu’il y avait quelque chose à creuser dans cette histoire. J’ai d’abord trouvé ça drôle, absurde. Une résidence de 160 hectares habitée par une équipe olympique de lutte gréco-romaine et un milliardaire excentrique ? Hum… Forcément, il se trame quelque chose de louche là-dessous. S’il n’y avait pas de meurtre à la fin, ce serait d’ailleurs un matériau génial pour une comédie. Mais je voulais surtout faire un film qui donne à réfléchir. Que Foxcatcher fasse l’effet d’une gifle.

Quand on s’inspire d’un fait divers, on se mesure forcément, qu’on le veuille ou non, au De sang-froid de Truman Capote. A fortiori quand on a réalisé dans sa vie un film qui raconte comment Capote a écrit De sang-froid
Il y a des parallèles à tracer, c’est sûr. Capote aussi avait été fasciné par la lecture d’un article. Et j’ai repensé à lui pendant la production du film, quand Mark Schultz (frère du lutteur assassiné par du Pont, lutteur lui-même, incarné par Channing Tatum dans le film) s’est plaint du titre de mon film (Foxcatcher était le nom de la propriété de du Pont, ndr). Or, Perry Smith (l’un des deux tueurs de De sang-froid) s’était lui aussi plaint du titre du livre de Capote. C’est très délicat de collaborer avec quelqu’un dont tu racontes l’histoire et de réaliser en cours de route que vos intérêts peuvent diverger.

Pourquoi avoir choisi Steve Carrell pour incarner du Pont ?
D’abord, je pense que tous les comiques ont un côté obscur, et je voulais explorer le sien. Ensuite, le truc avec Steve, c’est qu’il est totalement adorable. On se dit qu’il ne ferait pas de mal à une mouche. Et c’est comme ça que les gens percevaient John du Pont.

La bande-annonce de Truman Capote, à retrouver sur Arte :


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