Rencontre avec le réalisateur de How To Talk To Girls At Parties.
Le réalisateur de Hedwig and the Angry Inch, Shortbus et Rabbit Hole revient avec How To Talk To Girls At Parties, adaptation azimutée d’une nouvelle de l’auteur-star Neil Gaiman (Sandman, American Gods…) racontant la rencontre, dans l’Angleterre de 1977, entre un ado fan de punk et une adorable alien en quête de rébellion. Une romance SF irrésistible.
Première : How To Talk To Girls At Parties est adapté d’une nouvelle de Neil Gaiman, et on comprend très vite que le jeune héros du film est une sorte d’alter-ego de l’écrivain… A quel point est-ce un projet personnel pour vous ?
John Cameron Mitchell : Le producteur de mon film Shortbus est venu me voir avec la nouvelle de Neil Gaiman en me disant : faisons-en un film. J’étais un peu sceptique au début, je préfère raconter mes propres histoires, mais j’ai fini par être de plus en plus investi et par trouver ça vraiment cool. Le film ne vient pas de moi, mais c’est un peu comme un enfant adopté que j’adorerais. C’est ma co-scénariste, Philippa Goslett, qui a eu l’idée que le personnage emprunterait certains traits de Neil. Il faut savoir que Neil jouait vraiment dans un groupe punk quand il était ado, et qu’il a vraiment failli signer avec un label. Mais ça ne s’est pas fait finalement, son père s’y est opposé parce que le contrat était à moitié bidon… Neil se demande donc parfois à quoi aurait ressemblé sa vie s’il avait signé.
Le film se passe en 1977, mais on peut y voir un commentaire sur le Brexit…
Oui, c’est fait exprès ! (Rires) Il y a clairement un message quand les aliens se mettent à avoir peur des humains et décident de « fermer la porte ». Or, le punk, c’était tout l’inverse. Ça disait : « Ouvrez les portes. Défoncez-les à coup de pieds s’il le faut. Ne restez pas enfermés. » On vit dans le monde de Trump et Le Pen, qui veulent fermer les frontières et vivre dans un trou. Mais regardez, ça n’a pas tellement réussi aux Habsbourg : à force de ne baiser qu’entre eux, leur stock de gênes ne s’est pas suffisamment renouvelé, et ils sont tous morts d’hémophilie. Il faut se mélanger ! C’est ce que préconisait le punk au début. C’était un mouvement réellement contre-culturel. Internationaliste, antifasciste, antimachiste. D’une certaine façon, How To Talk To Girls At Parties milite pour un nouveau mouvement punk, vivant, joyeux, inclusif, qui irait au-delà des genres et des frontières. C’est une love story pour adolescents, oui, mais qui a deux ou trois choses à dire sur le monde d’aujourd’hui.
Vous faites un lien entre la culture punk et la culture queer ?
Oui, dans cette idée qu’il faut parfois savoir tout détruire pour se réinventer. Je faisais déjà le lien entre les deux en créant le personnage de Hedwig dans les années 90. Les drags se sont nourris de l’énergie du punk.
Les tout premiers punks, les New York Dolls, étaient des drag queens…
Oui. Et les Buzzcocks étaient gays. On dit même que Johnny Rotten était gay.
On dit ça ?
Oui (baissant la voix) : en tout cas, c’est ce que suggèrent certaines de ses anciennes maîtresses… Rotten disait aussi : “Sex is over”. Il trouvait que le sexe était un truc de hippies. Je fais dire ça à Nicole Kidman dans le film.
Vous faisiez quoi, vous, en 1977 ?
Je vivais à Junction City, au Kansas, où vivait Hedwig. Ou du moins la baby-sitter allemande qui m’a plus tard inspiré le personnage de Hedwig. J’étais ado, mais je n’écoutais pas beaucoup de punk, plutôt du funk et du classic rock. J’ai un peu raté le punk, à vrai dire, je ne l’ai découvert que plus tard, dans les années 80, après mon coming-out. Tout à coup, je me suis senti libre, j’ai tout compris au punk. Et à Bowie.
Vous avez attendu les années 80 pour aimer Bowie ?
Je l’ai toujours aimé, mais avant mon coming-out, il me faisait peur. Il me renvoyait à mon côté féminin et ça m’effrayait. Mais après, c’est devenu mon héros. Lui, et Lou Reed et Iggy Pop. Qui étaient aussi les héros des punks, donc tout ça est finalement très logique !
How To Talk To Girls At Parties, actuellement au cinéma.
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