Première
par Christophe Narbonne
"C’est l’histoire d’une jeune fille dont tous les proches sont sourds et qui va s’extraire de son milieu grâce au chant." Pitcher "La Famille Bélier" revient à vendre une énième comédie française formatée s’appuyant sur un ressort plus ou moins tordu du genre : "Je suis un grand bourgeois et mes quatre filles sont mariées à des types de religions différentes." C’est mal connaître Éric Lartigau, cinéaste formé"à l’école de l’absurde ("H", "Mais qui a tué Pamela Rose ?") et nourri"de screwball comedies ("Prête-moi ta main" en était l’illustration réussie), dont les obsessions se sont affirmées dans "L’Homme qui voulait vivre sa vie", récit d’une réinvention individuelle. Destinée à reprendre la ferme familiale, Paula (Louane Emera, une vraie révélation) va ainsi revoir ses ambitions à la hausse, sous l’impulsion d’un prof de chant caustique, et provoquer un séisme domestique. Il y a du Billy Elliot dans cette histoire d’émancipation sociale et familiale qui laisse une chance à tous les personnages, observés avec une rare justesse pimentée de subtiles touches d’humour. Le cinéma muet s’invite lui aussi dans les scènes entre Karin Viard et François Damiens, qui se sortent avec brio de leurs numéros d’équilibristes. Leur expressivité, liée au handicap de leurs personnages, n’est jamais utilisée comme un artifice mais permet au comique, d’abord, puis à l’émotion, enfin, d’affleurer.