Première
par Frédéric Foubert
Des témoignages face caméra et des images d’archives. Jim Jarmusch n’entendait manifestement pas bouleverser l’histoire du documentaire avec Gimme Danger, sa lettre d’amour aux Stooges. Pas très grave : le gang d’Iggy Pop se charge de mettre l’ambiance… Car on parle bien ici du groupe le plus sauvage de tous les temps. Des branleurs scandaleux, responsables d’une déflagration sonique lourde de conséquences (pour le dire vite : ils ont inventé le punk), auteurs de trois albums parfaits entre 1969 et 1973, ayant passé leur courte existence à slalomer entre la gloire, la dope et l’infamie. James Osterberg, alias l’Iguane Iggy, s’est donc assis devant la caméra de l’ami Jarmusch (il avait déjà fait l’acteur pour lui à l’époque de Dead Man) pour relater l’affaire de A à Z. Cool, bronzé, hilarant (et pieds nus), Iggy revient sur sa formation blues à Chicago, la rencontre avec les frères Asheton, sa passion pour les pharaons (qui lui donnèrent l’idée de parader torse poil), sa profession de foi d’alors (« J’ai liquidé les sixties »), livrant au passage un témoignage précieux et lapidaire sur les paroles de Bob Dylan (« Bla bla bla »). Les archives, cradingues et fulgurantes, et la musique, géniale, se chargent de faire la glue entre les anecdotes et les punchlines, Jarmusch prenant soin à l’occasion de donner au montage des coups d’accélérateur, façon cartoon speedé et zinzin, un peu comme Julian Temple dans son docu sur les Sex Pistols, L’Obscénité et la Fureur. Belle offrande aux fans du groupe d’Ann Harbor, Michigan, Gimme Danger réconciliera également les jarmuschiens de toutes obédiences : cette ode à la contre-culture et à la poésie minimaliste (« No Fun / My babe / No Fun » – on a rarement fait plus concis dans l’histoire du rock), fonctionne en effet aussi bien comme un complément de programme au récent Paterson, que comme son antidote, sa face B électrique et érectile. Dans tous les cas, c’est un must.