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Les films à voir (ou pas) en salles cette semaine.

Nocturama ***
De Bertrand Bonello

L’essentiel
Le réalisateur de L’Apollonide et Saint Laurent filme des jeunes révoltés qui posent des bombes dans Paris. Grand geste artistique plus que brûlot politique.

Des jeunes antisystème sillonnent Paris pour poser des bombes. Ils finiront retranchés dans un grand magasin, pris d’assaut par les forces spéciales.
Des gamins parisiens, des hommes en noir surarmés, une enceinte close où vient régner la mort... Impossible de voir Nocturama sans qu’interfèrent des images survenues après sa création : celles du Bataclan (le film devait s’appeler Paris est une fête, comme le livre emblème de l’après-13 Novembre) ; celles de Nuit Debout (un mot d’ordre qui aurait aussi fait un bon titre). Ces résonances provoquent des émotions d’une grande complexité, que d’aucuns réduiront en prêtant à Bonello l’intention d’un manifeste. Mais s’il fait preuve d’un indéniable cran politique, Nocturama ne tracte pas et ne justifie rien. Le film reste un pur geste artistique, visionnaire, hanté par un futur imminent qu’il contemple avec courage.
Caroline Veunac
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Divines ***
De Houda Benyamina

L’essentiel
D'une énergie folle, Divines est une vraie bombe de cinéma avec trois actrices stupéfiantes.

Dounia et Maïmouna, les meilleures copines du monde, rêvent d'argent facile et se mettent au service de Rebecca, la caïd de leur cité pourrie. Ce résumé ne saurait réellement rendre justice à la baffe de cinéma que colle dès son ouverture Divines d'Houda Benyamina, premier long présenté à la Quinzaine des réalisateurs et récompensé par la Caméra d'or au Festival de Cannes 2016. Le générique, un grand montage-sequence qui mélange images shootées à l'iPhone, grands cadres 16/9 au son des Psaumes de Vivaldi, donne le ton. C'est ambitieux et ça frappe direct aux tripes et aux yeux. Divines carbure à une énergie de cinéma folle, qui n'a peur de rien, pas même de faire des montages au son du Requiem de Mozart mixant des scènes de danse contemporaine et un entraînement à la boxe. Imaginez une fusion explosive entre La Haine, Scarface, un épisode de la saison 4 de The Wire et Bande de filles. Mais Divines va au-delà de cette fusion des genres.
Sylvestre Picard
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Blood Father ***
De Jean-François Richet

L’essentiel
Série B d'action tatouée, Blood Father est surtout le come back de Mad Mel.
Lydia (Erin Moriarty), une jeune fille camée traquée par des truands mexicains trouve refuge chez son père. Son père, c'est John Link, ex-taulard, ex-alcoolo, ex-biker, qui survit entre deux sessions des Alcooliques Anonymes en faisant des tatouages pas très beaux à l'arrière de sa caravane pourrie, quelque part entre le Texas et le Nouveau-Mexique. Lydia et John vont s'embarquer dans une cavale sanglante. Link, c'est Mel Gibson. Il y avait quelque chose de réjouissant à voir Blood Father de Jean-François Richet, basique et efficace série B, être projeté au Grand Théâtre Lumière au Festival de Cannes, en séance de minuit, la veille du Palmarès. Dans une salle au public en costard et robe de soirée, qui avait vu des œuvres aussi exigeantes que Sieranevada de Cristi Puiu (2h53, en compète), on finissait le Festival avec une séance de vidéoclub : 1h28 où Mad Mel traverse la poussière mexicaine à dos de moto. Soyons honnêtes, le film est un peu déceptif niveau cassage de gueules, et même si c'est parfois violent (la jolie baston finale dans le 4x4) ce n'est pas Taken ni John Rambo. Le film profite de sa trame de cartel movie ultra basique (les affreux Mexicains tatoués qui écoutent Manu Chao, allez savoir) pour raconter évidemment autre chose.
Sylvestre Picard
Lire notre critique de Blood Father en intégralité

Le Fils de Jean **
De Philippe Lioret

À la suite d’un appel téléphonique mystérieux, Mathieu se rend à Montréal pour l’enterrement de son père québécois qu’il n’a jamais connu. Il est accueilli par Pierre, le meilleur ami du défunt, qui lui déconseille de se faire connaître auprès de ses deux demi-frères.

Après deux films assez loachiens dans l’esprit (Welcome, Toutes nos envies), Philippe Lioret revient à sa veine Sautet avec ce portrait d’un fils qui part à la découverte posthume et fragmentaire de son père, à propos duquel il ne sait rien d’autre que ce que lui raconte son guide improvisé et ce que lui apprend la rencontre fortuite avec ses demi-frères. Là réside l’intérêt du Fils de Jean, dans cette progression à l’aveugle que Lioret filme comme un thriller et qui capte d’emblée l’attention du spectateur. L’intrigue finit cependant par tirer un peu à la ligne et sa nature elliptique par ressembler à une coquetterie d’auteur. Un twist tardif – bien que prévisible – en réactive à la fois l’intérêt et la dimension émotionnelle.
Christophe Narbonne

Un petit boulot**
De Pascal Chaumeil

De briseur de couples professionnel dans L’Arnacœur, Romain Duris devient apprenti serial killer dans ce film posthume de Pascal Chaumeil. Chômeur de longue durée, son personnage redécouvre le plaisir du travail bien fait en acceptant de tuer la femme de son nouveau patron, joué par Michel Blanc. Également scénariste, ce dernier tire du savoureux roman d’Iain Levison une critique sociale réussie, même si l’ensemble est parfois déjà vu et inutilement étiré. Heureusement, Duris est toujours juste en Dexter du pauvre s’interrogeant sur sa moralité, et il est entouré de seconds rôles attachants (Alice Belaïdi, Gustave Kervern). Un petit boulot consciencieux, à défaut d’être totalement accompli.
Elodie Bardinet

La mécanique des flux***
De Nathalie Loubeyre

« Nous sommes devenus des cadavres », confie un réfugié à Nathalie Loubeyre dans ce documentaire qui s’applique à dénoncer toute la violence exercée contre ceux qui se sont échoués sur les plages européennes en poursuivant « le rêve d’une vie plus douce ». Révoltée, la cinéaste ne laisse aucune image, aucun témoignage au hasard, filme l’Europe comme une forteresse imprenable et les migrants comme des ombres errantes traquées par des chiens ou des caméras thermiques. Un film bouleversant à classer entre Welcome, de Philippe Lioret, et le récent reportage de Yolande Moreau, Nulle part en France. 

Mathias Averty

Blanka**
De Kohki Hasei

Blanka, 11 ans, est une orpheline sans abri qui sillonne Manille. Alors qu’elle vole les touristes dans l’espoir de s’« acheter une maman », elle fait la connaissance d’un vieux bluesman aveugle. C’est le début d’une grande aventure dans les rues de la capitale. Malgré ce synopsis, Blanka n’est pas un mélodrame larmoyant, mais un voyage initiatique drôle et léger aux milieux des bas-fonds philippins. Un conte charmant tourné avec les habitants de Manille qui pèche simplement par le jeu approximatif de son casting amateur.
Mathias Averty

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