Deux pianos : François Civil et Nadia Tereszkiewicz
Emmanuelle Firman - Why Not Productions

Après un détour par le documentaire avec Spectateurs !, Arnaud Desplechin revient avec bonheur à ce qu’il sait faire de mieux : le drame familial grandiloquent.

Au sein des mêmes obsessions intimes qu’elle malaxe et remodèle depuis son explosion au début des années 1990, la filmographie d’Arnaud Desplechin joue par variations et reprises. « Toutes les filiations familiales sont suspectes » assène-t-il depuis plus de trente ans, et il continue encore aujourd’hui d’investiguer : avoir une mère, une mentore, une compagne, un enfant, au fond, qu’est-ce que ça veut dire de nous ? De retour à Lyon après un long exil, Mathias Vogler (François Civil) retrouve Elena (Charlotte Rampling) qui le pousse à reprendre le piano à haut niveau en France, tandis que Claude (Nadia Tereszkiewicz) s’évanouit sans raison lorsqu’elle le voit sortir d’un ascenseur, et que la seule vue d’un enfant au parc le replonge dans un état maniaque et la bouteille.

Un temps mystérieux, le scénario de Deux Pianos révèle avec éclats le poids que prennent avec le temps les non-dits, et accompagne tranquillement le doux vieillissement d’un auteur aux songes rétrospectifs. Artiste ou père de famille, ces deux options sont irréconciliables chez Desplechin. Et la torture névrotique d’un tel choix auto-infligé convainc finalement par le jeu à fleur de peau de Civil et Tereszkiewicz : on ne saurait faire autrement chez Desplechin. Quelques envolées comiques transpercent le récit (les blagues juives qu’écoute ou répète Claude), et rappellent que Desplechin a toujours été très drôle. Peut-être malgré lui ? Pour affronter les épreuves de la vie, quitte à en blesser quelques-uns, lui non plus ne saurait faire autrement.

De Arnaud Desplechin. Avec François Civil, Nadia Tereszkiewicz, Charlotte Rampling... Durée : 1h55. Sortie le 15 octobre 2025