Rencontre avec la comédienne italienne qui, dans le premier long de sa compatriote Jasmine Trinca, incarne avec superbe une mère entretenant une relation complexe avec sa toute jeune fille.
Comment vous êtes vous retrouvée à tenir le premier rôle avec votre jeune partenaire Maayane Conti de Marcel !, le premier long métrage de votre compatriote Jasmine Trinca ?
Alba Rohrwacher : Jasmine m’avait dirigée voilà deux ans dans un court métrage Being my mom, lui aussi centré sur un rapport mère- fille et dans lequel Mayaane jouait déjà ma fille. Ce fut une expérience de tournage très agréable au cœur de l’été. Jasmine avait su créer une atmosphère particulièrement douce sur le plateau. Et, entre les prises, dans les moments d’attente, on a commencé à imaginer un jeu toutes les deux. Je faisais comme si j’avais une balle dans la main et Maayane s’amusait à jouer à être un chien qui courait pour l’attraper. On faisait ultra- sérieusement ce qui pouvait paraître ridicule de loin. Il se trouve que quelqu’un de l’équipe nous a filmées. Jasmine a vu la vidéo. Et des mois plus tard, elle m’a rappelé pour me dire que cette vidéo lui avait donné une idée de long métrage qui nous réunirait tous les deux et où elle développerait la relation mère- fille du court, à travers un chien – prunelle des yeux de mon personnage - qui, dans le récit, devient le symbole de la figure absente : celle du père. Le scénario qu’elle m’a envoyé était passionnant à lire, d’une limpidité et d’une universalité qui m’ont immédiatement sauté aux yeux. Et j’ai replongé avec bonheur avec elle.
Votre personnage de mère, artiste de rue, est bien perchée mais peu sympathique d’emblée. Comment la composez- vous pour qu’on s’attache à elle, comme le récit le demande ?
Vous pouvez le dire : elle paraît horrible au départ ! (rires) Mais je n’ai eu en fait qu’à suivre le scénario. Car tout y est, à commencer par la relation complexe – mais débordante d’amour – qu’ont entretenue Jasmine elle- même et sa mère. Comme si sa mère l’avait profondément aimé mais mal. Donc de l’extérieur, tout cela peut paraître de prime abord très violent mais au fil du récit mon travail consistait à faire émerger ce qu’était vraiment cette mère en profondeur, loin de ce qu’on perçoit d’emblée.
Vous avez beaucoup échangé avec Jasmine Trinca sur sa mère pour préparer ce rôle ?
Oui, énormément et elle m’a aussi nourrie en me montrant beaucoup de photos. J’étais conscience du cadeau qu’elle me faisait en partageant tout cela avec moi. Mais cela impliquait aussi une grande responsabilité pour ne pas trahir cette intimité qu’elle a partagée. C’est pourquoi je lui ai tout donné. Comme mon personnage, j’ai la passion du cirque, du théâtre de rue donc j’ai créé tout cet aspect- là de mon côté. Mais j’ai adoré incarner quelqu’un à ce point différent de moi. Et pour y parvenir, j’ai aussi pu appuyer sur les références qui ont inspiré Jasmine tout au long de l’écriture de son film, à commencer par Le Kid de Charlie Chaplin et L’Eté de Kikujiro de Takeshi Kitano. Cela m’a aidé à comprendre l’univers que Jasmine allait déployer à l’écran : un contraste permanent entre la douceur de ces films et la couleur rouge violente qui allait entourer mon personnage
Comme définiriez- vous la réalisatrice Jasmine Trinca ?
Comme quelqu’un de très doux. Qui a su réunir autour d’elle une équipe très douce, formée par énormément de femmes. Il était impossible de deviner qu’elle n’avait jamais dirigé de long métrage. Et je peux dire que cette aventure nous a liées à vie.
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