"Le premier scénario de Gene Roddenberry était bien plus osé".
Star Trek fête ses cinquante ans cette année. L’occasion pour l’équipe originale de retracer l’histoire de la saga dans le livre The Fifty-Year Mission. Edward Gross et Mark A. Altman ont interviewé William Shatner, l’interprète de Kirk, ainsi que Susan Sackett, l’assistante du créateur de la série de Gene Roddenberry (mort en 1991) ou encore Jon Povill, et ils ne sont pas avares en anecdotes. Ajoutez à cela des extraits d’entretiens de Roddenberry en personne et de Leonard Nimoy (l’interprète de Spock, co-scénariste et réalisateur de plusieurs épisodes, décédé l’an dernier) et vous obtenez « le récit complet, non censuré et non autorisé de Star Trek », promet l’accroche.
Les Trekkies y apprennent notamment qu’au moment d’écrire le premier film à la fin des années 1970, Gene Roddenberry avait imaginé un face à face entre le célèbre capitaine et Jésus-Christ. "Le premier scénario de Gene était bien plus osé, explique Richard Colla, qui travaillait en parallèle avec lui sur The Questor Tapes. Le point de départ était le même : l’Enterprise entrait en contact avec cette chose capable d’affecter tout ce qui l’entoure dans l’espace. Sauf qu’une fois face à cette présence extra-terrestre, elle prenait plusieurs formes en demandant à Kirk : ‘Tu me connais ?’. ‘Non, je ne te connais pas’, répondait-il. Elle changeait encore d’apparence, et redemandait : ‘Tu me connais ?’. Elle faisait ça plusieurs fois jusqu’à se transformer en Jésus, et Kirk lui disait : ‘Oh, à présent je sais qui tu es’".
Michael Jan Friedman, chargé quelques années plus tard d’adapter ce script initial en roman, ajoute que la scène se terminait par un combat : "Gene était l’un de mes héros. C’est toujours le cas d’ailleurs. Et quand on m’a proposé ça, il était déjà mort, donc c’était une manière de me rapprocher de lui. J’étais surexcité en recevant son histoire. Mais j’ai vite déchanté. (…) C’était désordonné. Kirk, Spock, McCoy… les personnages n’agissaient pas comme d’habitude. Il était question de crise de la quarantaine, il y avait des allusions érotiques qui n’apportaient rien. Et le ‘climax’ consistait en un combat entre un alien qui avait pris la forme de Jésus-Christ et Kirk, sur le pont de l’Enterprise."
Star Trek : le retour de la série en 2017
Cette version n’a pas été validée par le directeur de la Paramount, Barry Diller. Parce qu’il était très croyant ? Jon Povill avance cet argument, mais à l’époque, Gene Roddenberry avait avoué qu’il comprenait la décision du studio, même s’il regrettait qu’il ait été si frileux. Il justifiait ainsi que "l’équipage n’entrait pas en contact avec Dieu mais avec une entité se faisant passer pour Dieu, c’est très différent".
L’histoire de Star Trek le film, sorti en 1979, reprend le principe d’une entité extra-terrestre ayant le pouvoir d’influer sur le comportement de tous ceux qu’elle approche, mais elle ne change pas d’apparence à sa guise, se "contentant" de contrôler le corps de l’un des membres de l’équipage. Le long-métrage propose bien une réflexion sur le pouvoir, l’humanité, la vie, la mort etc. (comme dans la série, et les longs-métrages suivants, d’ailleurs), mais ne met pas en scène Jésus directement.
Anecdote intéressante, pour finir : le créateur de Star Trek n’est pas le seul à avoir imaginé une histoire de science-fiction mettant en scène un extra-terrestre prenant la forme du fils de Dieu. Il y a quelques années, Ridley Scott avait fait savoir que le premier scénario de Prometheus contenait un twist similaire. "On y a pensé, puis on s’est dit qu’on allait peut-être trop loin. Mais si l’on considère que les Ingénieurs nous voient comme leurs enfants qui ont mal tourné, il y a effectivement des moments où on est devenus incontrôlables. A courir en armure et en jupe, comme sous l’Empire romain.Ils se sont dit 'envoyons un émissaire pour voir si on peut les arrêter'. Et vous savez quoi ? Ils l’ont crucifié."
Le prochain Star Trek s'intitulera Sans limites et il sortira le 17 août au cinéma. Bande-annonce :
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