Première
par Christophe Narbonne
Sorti en 2011, L’Étrangère de Feo Aladag narrait de façon clinique le quotidien impossible d’une mère de famille turque d’origine allemande obligée de s’exiler à Berlin pour fuir un mari violent. Elle ne recueillait sur place que défiance et intimidations de la part d’une communauté soucieuse du respect des traditions et de la place de la femme – aux côtés de son mari, fût-il dangereux. Noces adopte cette approche « fait-diversière » (le film est extrêmement documenté et ça se sent) pour traiter à son tour de la difficulté de vivre comme une jeune femme moderne en Occident (en Belgique, précisément) lorsqu’on est, comme ici, d’origine pakistanaise. L’héroïne, Zahira, part avec de sacrés handicaps : elle est belle, libre et accidentellement enceinte – son copain ne veut pas ni de l’enfant ni du mariage. Tout le monde l’aime, Zahira (Lina El Harabi, son interprète, est exceptionnelle), son frère, ses amis, le spectateur. Son désir de vie et d’émancipation est universel, la suite n’en est que plus cruelle : incitation à l’avortement et au mariage traditionnel, sans contreparties. Enterrée vivante, l’impétueuse Zahira. Stephan Streker ne stigmatise personne pour autant. À l’image de son maître Asghar Farhadi, il laisse la parole aux tenants de la tradition et du progrès et, dans une très belle scène entre le père (joué par le juge d’Une séparation) et un vieil ami belge (Olivier Gourmet), montre qu’ils sont irréconciliables. Noces n’est pas un pamphlet. C’est un constat. Un effroyable constat d’échec.