Première
par Sylvestre Picard
(...) la Révolte (Mockingjay en VO) a été divisé en deux films "pour faire plus de fric, évidemment" (Jennifer Lawrence dixit) et chacune de ses deux parties porte profondément la marque de cet épaississement. L'équivalent cinéma du tirage à la ligne. La faute est là : les deux parties de cette Révolte sont sacrément bavardes et lentes. Dégraissé et réduit à un seul film, le résultat eut été plus nerveux, plus sec, plus actioner. Rendez-vous compte : sur 2h17 de film, il y a une, UNE SEULE scène d'action. Très bien shootée, certes (avec une mise en place faisant référence à Aliens Le Retour – y a pire comme référence), surtout par rapport aux standards de l'actioner yankee actuel, mais dépourvue de tout enjeu dramatique, ce qui n’est finalement qu’un plaisant intermède fait surtout office de remplissage. Au mieux, le film fait le job (l'avant-dernière séquence où tout se dénoue est même brillamment réalisée) mais la toute fin montre que son sous-texte SF ne va pas bien loin. Un peu de souffle héroïque, peu de vision. Peu de cinéma. C'est dommage, parce que la vision du Capitole transformé en zone de guerre futuriste ne manque pas de puissance (marrant de voir que les immeubles très réels de Bry-sur-Marne et Ivry-sur-Seine inspirent des paradis oligarchiques aux décorateurs d'Hunger Games). Et le film met en pratique quelques bonnes idées comme de mettre la guerre hors du champ où à sa lisière par les yeux de Katniss (le bombardement de la base au début), ou de finir volontairement loin de tout triomphalisme spectaculaire. Mais bon sang, consacrer une nouvelle fois de looooooongues scènes au triangle amoureux Peeta/Katniss/Gale (been there, done that) sans jamais le faire progresser tient une nouvelle fois du remplissage pur et simple. Le non-lecteur du roman aura en plus la sensation qu'il y a des trous dans le script (...). On aimerait bien pouvoir écrire qu'il s'agit du meilleur film de la saga, d'épuiser le dico des synonymes pour parler d'une conclusion épique, flamboyante, explosive. Ou alors que tout est sombre, anti-spectaculaire, anti-guerre et désabusé - bref que le film sait enfin combiner ces deux tendances qui agitent la saga depuis le début (Katniss est à la fois héroïne et manipulée). (...) A part cette fameuse scène d'action au milieu du métrage et une partition dingue de James Newton Howard - son meilleur taf sur les quatre films, et qui mérite, elle, les qualificatifs d'épique, flamboyante, explosive -, le film avance trop mollement vers sa conclusion. Le gros twist émotionnel final, censé nous flinguer par l'émotion (on nous signale que dans le bouquin c'est comme ça) et signifier la conclusion amère de l'odyssée de Katniss, est traité trop rapidement. On se heurte toujours au même problème : avoir fait un film de 4h20 là où la moitié aurait suffi. Ni grand mélo, ni grand film de guerre, ni fusion miraculeuse entre les deux. Mais, vous savez quoi ? On s'en fout un peu. Que le film soit bon ou mauvais ou juste trop long, il a déjà gagné. Et pas qu'au box-office. Les fans seront à genoux quoi qu'il arrive et la principale victoire d'Hunger Games est d'ordre industriel : avoir enfin démontré à Hollywood que des films avec une femme cool et badass dans le rôle principal pouvaient rapporter des milliards. Et ça, c'est très important. Que ces films ne soient pas un triomphe artistique, au fond, l’est moins.