David Andrew Leo Fincher est un réalisateur et producteur américain né le 28 août 1962 à Denver, dans le Colorado. Il est célèbre pour ses films Alien 3, The Game, Seven, Fight Club, Panic Room, Zodiac, L'étrange histoire de Benjamin Button, The Social Network, Millenium : les hommes qui n'aimaient pas les femmes et Gone Girl. Côté télévision, on lui doit la série House of Cards.
David Fincher est l'un des auteurs les plus ambitieux et controversés d'Hollywood. Un cinéaste exigeant, perfectionniste, qui en plus de vingt ans d'activité et à peine plus d'une poignée de films a su s'imposer comme un réalisateur qui compte. Pas facile de le situer, un temps nouvelle star d'une génération avec Fight Club (1999), il fut presque aussi vite oublié par ceux qui l'avaient encensé lorsqu'il réalise son film le plus passionnant, Zodiac (2007). Fincher est un maniériste éduqué à l'image de cinéma, de télévision ; son cinéma cherche l'efficacité, l'impact visuel fort, explicite, novateur, sans pourtant jamais rogner sur le sens. Il conçoit des mécaniques, des rapports (presque mentaux), entièrement structurés autour d'un récit et de ses personnages dont chaque plan est une illustration balisée. Ses films sont tous portés par une vision, une angoisse, un sentiment de destruction, une impossible ou difficile réconciliation avec le monde. Ils ont la marque d'une forme de nihilisme ou de cynisme. Un peu anar, punk, ils cherchent la provocation, l'effet coup de poing, de l'esthétique saumâtre de Seven (1995) au discours démagogique et post teenager de Fight Club, grande quête de pureté désespérée dans un monde pourri par l'argent et le consumérisme. Mais qu'on les aime ou les déteste, chaque film de Fincher est marquant, tous sécrètent des idées de plan d'une complexité technique aussi audacieuses et novatrices qu'elles reconfigurent les moyens du cinéma, et par là ses possibilités, notre rapport aux images. Il incarne et développe une conscience obscure, sombre, malade, très contemporaine, dont il semble se débarrasser étrangement, avec une forme de sérénité froide et très lucide dans Zodiac.
Loin des sirènes d'Hollywood
Auteur discret, avare d'interview, Fincher oeuvre ainsi avec méthode, dévoué corps et âme à ses films, dans le silence, loin des sirènes d'Hollywood. Son cinéma témoigne de son caractère obsessionnel, tous tournant autour d'un schéma monomaniaque, une spirale dans laquelle les personnages entrent et sortent le film terminé, tel Jake Gyllenhaal enquêtant sur le Zodiac, célèbre tueur en série de San Francisco ; ou encore Michael Douglas pris au piège d'un jeu pervers dans The Game (1997). Des films qui avancent sans jamais rien lâcher, faire retomber l'intrigue ou montrer un plan inutile, chaque élément est à sa place, avec sa logique. Formé aux effets spéciaux chez Lucas à 18 ans (Le Retour du Jedi, Indiana Jones et le temple maudit), auteur de nombreux clips pour Propaganda (Paula Abdul, Aerosmith, Madonna, Rolling Stones) et de diverses publicités (Nike, Pepsi, Levi's, Converse, Revlon), Fincher est obsédé par l'économie. Depuis Alien 3 (1992) - qui lui a pourtant complètement échappé après une bataille acharné avec le studio auprès duquel il n'arrive pas à imposer sa fin -, Fincher fait preuve d'une conscience de chaque plan, de la moindre scène. Il n'y a pas seulement chez lui un sens aiguisé des lignes, du cadre, de la composition et de l'organisation des éléments prompts à créer l'impact le plus efficace possible. Il y a une manière de tirer en permanence le récit vers l'image, de le comprimer pour que le plus grand nombre de plans concentre en un minimum de choses l'expression du film, des personnages ou son discours. Chez Fincher toute l'image, sa matière même, presque poreuse, tactile, abîmée (le générique d'ouverture de Seven avec ses sautes et scratches, copié mille fois depuis), habite l'ambiance du film. La lumière (de Darius Khondji jusqu'à Panic Room, d'Harry Savides sur Zodiac) est sa narration, un élément de l'intrigue digne de l'expressionnisme.
L'esthète du morbide
On a longtemps, jusqu'à Zodiac, fustigé le cinéma de Fincher pour sa prétention, un peu excessive quant aux points de vue et contenus des films, qui il est vrai ne tutoient pas les hauteurs théoriques d'un Antonioni, ni même d'un Kubrick à qui on l'a parfois comparé, un peu vite, malgré des thèmes et une vision de l'homme pessimiste pas si éloignés. Pourtant derrière leur stylisation acharnée, leur saturation permanente, quelque chose d'un peu clinquant et grandiloquent qui influencera de nombreux auteur depuis (le coréen Park Chan Wook est sans doute son plus fidèle héritier), il y a une volonté de poursuivre le maniérisme d'un Ridley Scott jusqu'à son point de rupture, ce moment où il s'épuise et s'efface pour ne rester qu'une pure efficacité du langage cinématographique. Fincher est né avec une caméra à la main, tournant des petits films 8mm dès ses 8 ans, avec déjà un sens inné de l'image. Il n'y a donc pas chez lui de bonne ou de mauvaise image, pas de morale du travelling, ni de référence appuyée à une culture du cinéma, à l'image de la génération précédente, celle des Scorsese, De Palma ou Coppola. Le clip, la pub, ont forgé son esthétique, mais s'il en gardé les stigmates, Fincher n'a cessé d'y introduire les fondations solides d'un récit dont il respecte les moindres lignes, la plus petite intention. On ne peut nier que débarrassé des coups d'éclats d'antan, de cette quête de subversion un peu rebelle, histoire d'attirer l'attention, Fincher a trouvé une forme d'apaisement formel avec Zodiac. Pourtant, l'esthète du morbide, ex petit malin habile, n'a pas cessé d'oeuvrer avec la même constance depuis le début, cette exigence qui fait de chacune de ses oeuvres un objet riche et singulier à la place unique dans l'histoire du cinéma.
Toujours s'échapper
Les films de David Fincher, derrière leurs compositions graphiques élaborées, leur effet film choc, sont des oeuvres du ressassement. Ils ruminent, font du surplace, à l'instar encore de Jake Gyllenhaal dans Zodiac, qui se noie dans une enquête fastidieuse et dispersée à une époque sans ordinateur pour centraliser les données. Leur forme, étrangement, se situe à chaque fois proche de la nouveauté, de l'innovation technique (le plan à travers l'anse d'une cafetière dans Panic Room), comme pour être en avance sur leur temps, de l'ordre de l'avant-garde hollywoodienne, celle qui dicte les futurs codes esthétiques, et à la fois dans leur procédé monomaniaque, tourne en rond. Il faut donc réussir à s'échapper d'une enquête glauque (Seven), d'une machination (The Game), du ronron de la société (Fight Club), d'une chambre forte (Panic Room), d'une enquête fleuve (Zodiac), dont on est prisonnier. Et les personnages s'épuisent, s'abîment, s'enfoncent, perdent parfois pieds, face au vide, certains s'en sortent, telle Jodie Foster dans Panic Room, mais au prix d'un final à l'étrange félicité teintée de pesanteur, du poids d'une expérience qui laisse des traces. On peut ainsi penser, à tort peut-être, que son projet ambitieux, L'Etrange histoire de Benjamin Button (2008), où Brad Pitt suit le cycle inversé de la vie, de la vieillesse à l'enfance, est l'expression la plus exacte de son cinéma. Adapté d'un roman de F. Scott Fitzgerald, le film semble promettre dans son rapport négatif aux choses, des corps, du temps, de l'Histoire, des sentiments, une lecture du bréviaire fincherien. Une certaine impossibilité de l'être au monde, une tragédie des apparences, avec un corps dont le constant décalage le ramène à une conscience des choses qui échappe à ceux qui l'entourent. Benjamin Button est nommé aux Oscars 2009 dans 13 catégories, dont meilleur film, meilleur réalisateur, et meilleur acteur pour Brad Pitt.
Fincher, seul maître à bord
Elève et cinéaste surdoué, Fincher, à qui l'on doit aussi The Hire (2001/2002), un concept de publicités pour BMW diffusées sur Internet et tournées par des cinéastes comme John Woo, Wong Kar-Wai, Tony Scott et Ang Lee, est un auteur à part à Hollywood. Refusant tout compromis, souhaitant être seul maître à bord, il a refusé des projets les plus mirifiques (Mission : Impossible 3, Spider-Man, Batman Begins) pour des désaccords artistiques. Il semble mué par un seul désir, celui de voir à l'écran le fruit de son imagination. Ami fidèle de James Gray, il partage avec son frère new-yorkais un même sens méticuleux de l'image et une volonté identique de totale intégrité, de liberté artistique absolue. Chacun oeuvre sur des continents différents, mais tous deux ont une assurance, une confiance en eux-mêmes, qui transpirent du moindre de leur film ou déclaration. Mais Fincher est plus cynique, froid, ses films sont comme des lames à double tranchant, ils nous mettent face à des contradictions, seuls libres de juger, de faire le travail de compréhension. The Social Network, où il revisite l'histoire de Mark Zuckerberg et la création de Facebook - sans doute le film de l'année 2010 - ne fait pas exception. Avec Millénium, les hommes qui n'aimaient pas les femmes, il se lance dans l'adaptation du roman de Stieg Larsson, déjà porté à l'écran par Niels Arden Oplev. Il signe une nouvelle fois un thriller sombre, qui se déroule dans un paysage suédois austère, froid, et dirige une Rooney Mara bluffante en hackeuse gothique complétement paumée. Si Fincher ne prend alors aucune liberté avec le texte original, il ne manque pas de le sublimer avec une mise en scène impeccable. Si le film n'est certainement pas un grand Fincher, il reste néanmoins un film de qualité, plus travaillé que la plupart des productions américaines du genre.
Détour télévisuel avec House of Cards
Mais si Fincher est respecté à Hollywood, il l'est également à la télévision, du moins depuis l'année 2013 et le lancement de House of Cards, série politique portée par le toujours excellent Kevin Spacey. Adaptée de la série britannique du même nom, elle met en scène Frank Underwood, un élu démocrate qui cherche à se venger du nouveau président des Etats-Unis après que celui-ci ait renié sa promesse de le nommer Secrétaire d'Etat. Et Fincher n'en a pas fini avec les adaptations puisqu'en 2014, avec Gone Girl, il porte à l'écran le roman Les Apparences de Gillian Flynn. Une nouvelle fois il s'entoure de Trent Reznor pour la musique et de Jeff Cronenweth pour la photographie, reformant ainsi le trio magique qui a déjà officié sur The Social Network et Millenium. Face caméra, c'est Ben Affleck qui a la charge de partir à la recherche de sa femme, interprétée par Rosamund Pike.