Fondateur avec Claude Goretta du ciné-club universitaire de Genève en 1951, il souhaite révéler grâce au cinéma les réalités historiques ou sociales de son pays, masquées par les tabous de la morale ou par les belles images touristiques d'un faux bonheur identifié trop souvent au standing. Mais ce projet paraît impossible à réaliser dans une Suisse officiellement indifférente au septième art. Toujours accompagné par Goretta, Alain Tanner se rend à Londres, fréquente les metteurs en scène du Free Cinema, tourne avec son camarade un court métrage, Nice Time (1957), qui sera primé à Venise. De retour dans sa ville natale, Tanner se bat, signe des films de commande et signe enfin en 1969 son premier long métrage, Charles mort ou vif, dont la réputation flatteuse va permettre la naissance d'un cinéma national. Le second essai de Tanner sera un coup de maître. La Salamandre devient en quelque sorte le film fétiche de toute une génération marquée par les années 60. Charles mort ou vif doit beaucoup à son interprète principal, Fran¿cois Simon, comme la Salamandre à Bulle Ogier. Dans les deux films les deux personnages centraux se sentent en marge d'une société qui cherche à les récupérer ou tout au moins à les étiqueter. Charles verra s'ouvrir devant lui les portes de l'asile psychiatrique, Rosemonde qui évolue de la lassitude existentielle à la révolte n'échappera pas à la schizophrénie. Il n'est pas aisé, on le voit, d'échapper à la « normalisation » sociale.Dès son premier long métrage, Tanner s'efforce de préciser les rapports qu'entretiennent les gens (ses contemporains) avec le monde naturel ou social dont ils sont à la fois une partie constituée et une partie constituante. Du coup son regard doit porter bien au-delà des motivations psychologiques de ses personnages puisqu'ils participent d'une histoire en train de se faire, d'une histoire déjà faite, d'une économie, de climats (politiques, émotionnels) qui, très précisément, conditionnent et limitent leurs aspirations individuelles et collectives, ou qui les étouffent. Coincés dans un présent que le passé détermine et qu'un avenir apparemment privé d'espoirs (autres qu'utopiques) fixe dans l'immobilisme, ces reclus en liberté semblent condamnés à courir sur place en rêvant de changements et de voyages. Parfois l'un ou l'autre se révolte et brise l'univers des tropismes qui l'emprisonne mais souvent les élans retombent à la velléité. Les habitudes et l'acceptation de satisfactions passagères médiocres suffisent à maintenir, entre les administrés et leurs administrateurs, un bon équilibre de la terreur papelarde.Quelques titres, comme les thèmes qui sous-tendent les ouvrages de Tanner, éclairent cette problématique de la claustration capitularde et du profond et vain désir de s'en affranchir : le Retour d'Afrique (1973), le Milieu du monde (1974), les utopies pédagogiques de Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000 (1976), l'imitation d'Icare que poursuit l'adolescent des Années Lumière (1981), la mise entre parenthèses Dans la ville blanche (1983) du marin suisse à Lisbonne, probablement l'une des réussites les plus probantes du cinéaste, le No Man's Land (1985) jurassien où s'ébauche un jeu tour à tour enfantin, velléitaire et tragique entre fonctionnaires déguisés en gendarmes et frontaliers saisis par le démon de la bougeotte et du rêve, la quête d'un monde utopique et la difficulté de vivre en harmonie avec ses aspirations qui imprègnent la Vallée fantôme (1987) où le cinéaste sans se flatter brosse le portrait d'un alter ego, l'enfermement des deux héros malheureux de la Femme de Rose Hill (1989) en proie à leur incompréhension mutuelle et à la xénophobie de leurs proches. Après deux films (l'Homme qui a perdu son ombre en 1991 et le Journal de Lady M en 1993) qui semblent ne pas pouvoir rencontrer l'adhésion du public, Tanner signe les Hommes du port (1995), un documentaire sur les dockers de Gênes (lieu qu'il avait fréquenté à vingt-deux ans avant de se lancer dans une carrière cinématographique).Le cinéma de Tanner, cinéma de l'évasion plus désirée que vécue, cinéma des utopies, ne s'encombre guère d'optimisme excessif : il sait prendre le pouls de ses contemporains et exprimer l'afflux d'insatisfactions diverses d'une jeunesse trop idéaliste pour être heureuse. Le cinéaste ne juge pas, ne joue pas les sociologues ou les censeurs, il participe à l'aventure de ses personnages car il sait que son angoisse est exactement la leur.
Nom de naissance | Alain Tanner |
---|---|
Naissance |
(95 ans) Geneva, Geneva, Switzerland |
Genre | Homme |
Profession(s) | Réalisateur/Metteur en Scène, Scénariste |
Avis |
Biographie
Filmographie Cinéma
Année | Titre | Métier | Rôle | Avis Spectateurs |
---|---|---|---|---|
2015 | Nice Time (court métrage) | Réalisateur | - | |
2015 | Fleurs de sang | Réalisateur | - | |
2015 | Paul s'en va | Réalisateur | - | |
1999 | Jonas et lila a demain | Réalisateur | - | |
1998 | Requiem | Réalisateur, Scénariste | - |