La série sur le rap français vient de débarquer sur myCANAL et Canal + Séries.
Après avoir signé plusieurs comédies à succès au cinéma (Les Kaïra, Pattaya, Taxi 5), Franck Gastambide revient sur Canal Plus, la chaine où il a démarré avec Kaïra Shopping, et renoue avec sa grande passion pour le hip-hop en signant Validé, une série se déroulant dans l’univers impitoyable du rap français. Un challenge à bien des égards, comme il nous l’explique. Rencontre.
Validé : le rap français a enfin son Dix Pour Cent [critique]Première : Comment vous est venue l’idée de Validé ?
Franck Gastambide : Pour la BO de Pattaya, j’ai passé mes nuits dans les studios de DJ Kore (célèbre producteur de rap), je me suis retrouvé dans les histoires, les embrouilles, et très vite je me suis dit : il y a une série à faire. Les Américains ont Atlanta, Empire, Power… en France, rien. Moi c’est ma culture, j’ai connu le rap à une époque où c’était presque un acte militant d’en écouter. Et maintenant les rappeurs remplissent le Stade de France. J’ai assisté à toute cette évolution. J’avais toutes les connections parce que je dois être le seul réalisateur français qui met des rappeurs dans tous ses films et met du rap dans toutes ses BO. C’est devenu une évidence à partir du moment où j’ai trouvé ce que je voulais raconter, comment et surtout avec qui. La complexité particulière d’une série comme Validé, c’est qu’il fallait trouver des mecs qui sachent rapper et jouer. En soit c’est déjà une performance. Il m’a fallu ensuite convaincre Canal +, avec qui je travaille depuis 10 ans, que la clientèle du Bureau des Légendes et d’Hippocrate avait envie de voir ça.
Les premiers retours sont plutôt excellents. Ca doit vous rassurer…
J’ai d'abord montré la série à mes proches, mes "grands" : Mathieu Kassovitz, Omar Sy et Ramzy Bédia, ou des gens comme Mouloud Achour. Ils m’ont tous fait le même retour en me disant que c’était mon meilleur projet jusqu’à maintenant. C’est super à vivre. Ca semble évident qu’il y ait une série sur le rap en France, mais en fait non. Ce n’est pas pour rien que ça n’avait jamais été fait. Il a fallu un porteur de projet comme moi, avec une légitimité et une passion pour le sujet. Et une capacité à rassembler tous les noms qu’on voit dans la série, des gens de différentes générations de Ninho à Kool Shen.
On vous connait surtout comme réalisateur de comédies pour le cinéma, là c’est la première fois que vous travaillez sur une série, en plus avec un ton assez différent.
C’est un gros changement de registre pour moi. A part le personnage de Brahim, qui est un peu plus léger, on n’est pas dans la comédie. Donc ça n’a pas du tout été facile de monter un tel projet. Je sais maintenant que si Validé a pu exister c’est parce que j’ai eu du succès sur mes trois films. Ca te donne un crédit qui fait qu’à un moment on décide de te laisser faire ce dont tu es convaincu.
Avec tous ces guests, Validé c’est un peu le Dix pour cent du rap français ?
La comparaison me fait plaisir, mais ma référence c’était plutôt Entourage (série sur le monde des acteurs inspirée de la vie de Mark Wahlberg, NDLR), et un peu Gomorra. Pour les caméos, j’ai profité de mon carnet d’adresse et du fait que les artistes étaient très enthousiasmés par le projet. D’autres comme Mac Tyer, avec qui j’avais travaillé sur la BO de Pattaya, étaient un peu plus méfiants, parce qu’ils t’amènent leur crédibilité, et la question qu’ils se posent c’est qu’est-ce que tu vas en faire ? Comment tu vas parler de notre game ? Donc ça a été des heures de discussion pour en rassurer certains. Maintenant, c’est les premiers soldats, les premiers VRP de la série.
Le casting a été compliqué ?
C’est l’ascension d’un phénomène du rap, donc il fallait quelqu’un d’irréprochable derrière un micro. Aucun directeur de casting ne nous a dégoté cette perle rare. C’est par le milieu du rap qu’on a trouvé Hatik, qui n’avait aucune expérience d’acteur. Pareil pour Saïdou (William), qui vivait en foyer quand il est venu au casting, ou Brahim que je l’avais repéré sur des stories Instagram d’Hakim Jemili. Donc on a pris le parti de faire tourner des inconnus, qui seront j’espère des révélations auquel le public allait pouvoir s’identifier. Et ça aussi c’est l’école Entourage, où les héros sont des inconnus. Parce qu’à part moi, Sabrina Ouazani, Moussa Mansaly ou Adel Bencherif, les acteurs principaux n’avaient jamais joué devant une caméra de leur vie.
On a casté pendant des mois, ce que je n’avais jamais fait, on a vu des centaines de mecs, et on a pris un pari. Contrairement à un film qui peut se tourner en 35-40 jours, sur une série tu pars sur potentiellement trois mois de tournage, des mois de préparation, et peut-être plusieurs saisons, donc c’est des gros paris quand tu t’engages avec des comédiens qui n’avaient jamais rien fait. Pareil avec Carnage, dont les gens qui ont vu la série me parlent beaucoup. C’est nos rabatteurs du milieu du rap qui l’ont repéré. On a regardé quelques vidéos de lui et on lui a fait passer un casting et ça a été une évidence.
Parlons plus précisément de Hatik, qui incarne le personnage principal. Il fallait forcément un rappeur pour ce rôle ?
Validé raconte la naissance d’un phénomène du rap, et il fallait qu’on y croit. Donc il nous fallait quelqu’un qui avait des capacités de rappeur incontestables. C’était ça le point de départ. Quand les gens du rap m’ont montré une vidéo de ce gars, on s’est vite rendus compte qu’il avait quelque chose en termes de charisme, de puissance. Il cochait beaucoup de cases, mais il fallait lui faire passer des essais. Et ça n’allait pas (rires). Il n’avait pas du tout le niveau pour porter une série. Le pari c’était donc de faire de lui un acteur.
Je suis passé par de longues périodes de doute, on a passé des mois à répéter et parfois je me disais : "on va pas y arriver". Je n’arrivais pas à obtenir certaines choses. Mine de rien un mec qui veut être rappeur peut s’enfermer dans des postures, avoir du mal à s’abandonner dans un jeu un peu plus fragile, à jouer des émotions pas assez viriles. Toutes ces choses qui t’empêchent de devenir un comédien, donc il a fallu faire preuve de psychologie et on a fini par déclencher des choses. Et à un moment, il a eu un déclic. C’était beaucoup d’angoisse. Avec la médiatisation du rap aujourd’hui, je sais que tout le monde va voir la série, parce que c’est historique, ce qui ajoute encore plus de pression.
Le rap est le genre musical le plus populaire en France aujourd’hui, mais il reste très clivant. Pourtant vous avez pris le parti de faire une série non édulcorée. Ca a été compliqué d’imposer cette vision ?
Il y a eu de longues discussions, nos interlocuteurs avaient des inquiétudes, on nous a dit de faire attention à ne pas avoir de propos misogynes ou homophobes, les clichés parfois justifiés qu’on associe au monde du rap et auxquels une chaine de télé ne veut pas être associée. Canal a participé très activement au développement de la série, ils étaient très vigilants sur tout ça. Heureusement je travaille avec eux depuis 10 ans, Canal a mis de l’argent dans chacun de mes films, et grâce à ce lien ils m’ont quand même laissé la liberté dont j’avais besoin. La série que vous avez vu est complètement la série que je voulais faire.
Ils ont déjà commandé la saison 2, dont l’écriture est déjà très avancée. On va la tourner dès cet été. C’est un gage de reconnaissance de la chaine. Ils ont renouvelé la série avant même les audiences ou les retours presse.
On sent que la validation du milieu du rap est très importante pour le lancement de la série…
Si la banlieue trouvait que Les Misérables était un film absolument raté, ça aurait été difficile de le vendre aux bobos parisiens. Donc évidemment que les retours qui m’intéresse le plus dans un premier temps c’est ceux des gens concernés par le sujet de la série. Quand j’ai Kassovitz, Omar, Ramzi, les potes de mon quartier et les mecs du rap game qui te disent : "c’est la série qu’on attendait", t’as déjà gagné. Même Laurent Bouneau (le directeur des programmes de Skyrock, NDLR), qui était très inquiet au départ, m’a félicité après avoir vu la série d’une traite. Pareil avec Fred, le présentateur de Planet Rap. Ils m’ont dit : "C’est exactement ce qu’on vit".
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