Comment ce texte est-il arrivé jusqu’à vous ?Par Jacques Nerson. Il attendait devant le théâtre et je tombe sur lui. Normalement je ne parle jamais avec les critiques. Nous nous saluons et il me demande pourquoi je ne joue plus. Avec la direction du théâtre, je n’en avais plus envie. Deux jours après, il me téléphone et m’explique qu’il doit monter un texte et que le comédien vient de lui faire faux bon. Lorsqu’il m’annonce que c’est un seul-en-scène, je pense : « surtout pas ! ». Il m’envoie le texte et après lecture, je dis oui de suite.Que Nerson soit critique ne vous a pas posé de problème ?Dieu sait que sa critique est acerbe, tranchée ! S’il avait été un metteur en scène comme il est un critique, cela se serait mal passé. Mais en fait, pas du tout ! Je n’ai jamais eu de soucis de travail avec lui et je n’ai jamais eu à remettre en cause ses indications. Quant à son rôle de critique, le fait qu’il m’ait dirigé ne changera rien. C’est le jeu !La critique a son importance ?Bien sûr ! Cela fait plaisir quand elle aime et quand c’est l’inverse, ma foi ! Je préfère les professionnels aux amateurs. Même si ce que pense le public n’est pas négligeable, mais c’est un avis pas une critique. Ce sont les critiques qui sont allés chercher des auteurs, qui ont déniché des pépites. Le public arrive après. Si à l’époque, on avait mis Ionesco à l’avis du public pas sûr que cela aurait marché ! Je suis partisan de préserver la critique, sinon on va finir par faire comme à la télé et faire voter les spectateurs sur un acte pour savoir si la pièce va ou ne pas marcher.Revenons à ce Tour de piste qui nous emporte dans le grand cirque de la vie.Lorsque les gens me parlent du spectacle, ils disent percevoir des images instantanées. Comme le texte balaye une existence, il y a toujours un moment où le spectateur est dans le curseur, se retrouve dans le faisceau de ce que je raconte. Même un jeune peut se reconnaître dans les rapports avec les parents, dans les découvertes de la vie.On naît, on meurt, et entre les deux on fait au mieux ?Il me semble que même ceux qui ont tout réussi doivent avoir un rêve inassouvi. Mon personnage a la vie cabossée de tout le monde. Il voulait être écrivain, il ne l’est pas. Au début, avec sa femme, il a connu le grand amour. Avec le temps, celui-ci s’est étiolé. Ils finissent quand même ensemble. Dans la pièce, je dis tout haut ce que certains pensent tout bas. Le nombre d’hommes peu emballés à l’annonce d’une paternité ! C’est rassurant que les gens adhèrent à cela.Le spectacle a été créé à Avignon, quelle sensation avez-vous ressentie ?Je n’avais jamais fait Avignon en tant que comédien et, en tant que spectateur, je n’aimais pas, trop chaud, trop de monde, trop de spectacles. Là, j’ai eu l’impression de reprendre mon bâton de jeune comédien. Cela fait du bien. D’autant plus que cela s’est très bien passé, il y a eu quelques émissions, des critiques, un bon bouche-à-oreille, et dès la deuxième semaine c’était parti !Puis, à Paris, ce fut l’underground aux Déchargeurs !J’y ai été très heureux. Je les admire d’arriver à exister dans la jungle ! Avec le nombre de théâtres qui s’ouvrent, le peu de moyens dont ils disposent pour communiquer, ils ont beaucoup de mérite de continuer à faire de la création !Et maintenant, retour à la maison !Je n’aurais jamais osé me programmer moi-même ! Trois raisons m’y ont poussé. La première, les critiques, la deuxième, la fréquentation du public. Et enfin, lorsque les actionnaires qui possèdent le théâtre de Paris ont vu le spectacle, ils m’ont demandé de le faire ici. Je ne le regrette pas. Les gens adhèrent et viennent.Comment va le comédien qui ne voulait plus jouer ?J'éprouve un réel plaisir avec ce spectacle ! Cela m’a remotivé, mais je ne pense pas pousser plus loin l’aventure. Quand on me demande si avec tout ce que je fais dans la journée cela ne me fatigue pas. Je réponds non, car ce qui est jubilatoire est dynamisant.Diriger le Théâtre de Paris ne doit pas être de tout repos ?Cela prend énormément de temps. Un directeur doit gérer l’humain, suivre la programmation avec un œil artistique. Plus tout le côté administratif, la communication, le budget, les contrats… Plus de 100 fiches de paye par mois ! Et avant la représentation, il doit aussi vérifier qu’il y a du papier dans les toilettes.A 21h dans la petite salle, vous rencontrez un gros succès ?Vous voulez parler de L’étudiante et Monsieur Henri ? Des petites pépites comme ça, on n’en trouve pas souvent. C’est José Paul qui a découvert le texte d’Ivan Calbérac. La pièce a exceptionnellement démarré très vite, et elle couvre un public très large, de 19 à 99 ans.Dans la grande salle, Offenbach va être à la fête ?Alain Sachs a écrit un livret autour des œuvres d’Offenbach, dans la continuité de La Vie parisienne, ce spectacle formidable servi par une équipe incroyable. Ces artistes savent tout faire ! Quand j’ai débuté en 1975, on était soit comédien, soit chanteur, soit musicien, mais pas tout cela en même temps. Et Offenbach, c’est tellement joyeux, tellement dynamisant ! J’avais plaisir à regarder sortir les gens de La vie parisienne, ils chantonnaient. On espère avoir le même résultat avec Tout Offenbach ou presque !Le théâtre est donc loin d’être mort ?Heureusement ! Le public ne disparaît pas, mais il ne s’agrandit pas ! Il y a un véritable et gros travail à faire là-dessus. Il faut aller chercher des gens qui ne sont jamais allés au théâtre ou qui n’en ont pas l’habitude. C’est vrai qu’on subit la crise, les gens sortent moins. En ce moment, il y a des pièces qui marchent très fort et d’autres pas du tout, on n’a pas beaucoup d’entre deux. C’est conjoncturel. Si le théâtre était mort, il n’y aurait pas autant de salles qui s’ouvriraient !Tour de piste au Petit Théâtre de Paris
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