Guide du 23 septembre 2020
SND / UFO Distribution-Potemkine Films / Les Films du Losange

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’EVENEMENT

LES APPARENCES ★★★☆☆
De Marc Fitoussi

L’essentiel
Un thriller prenant aux effluves chabroliennes autour de personnages prêts à tout pour ne pas perdre la face… et leur rang.

Variant les genres et les univers, de Copacabana à La Ritournelle en passant par Pauline détective, Marc Fitoussi aborde pour la première fois le thriller grâce à cette adaptation du roman de Karin Alvtegen, Trahie. Une adaptation très libre, à commencer par la ville où se déroule l’action – Vienne au lieu de Stockholm – et son désir d’ajouter au suspense un portait de la communauté des Français expatriés dans cette capitale.
Thierry Cheze

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PREMIÈRE A AIMÉ

LUX AETERNA ★★★☆☆
De Gaspar Noé

On l’avait un peu oublié. Présenté à Cannes 2019 en séance de minuit par Thierry Frémaux se réjouissant à l’idée de choquer le public à l’aide du nouveau Gaspar Noé, rappelant que le film réunissait trois protagonistes de grosses projos-scandales cannoises, Béatrice Dalle (le cannibalisme de Trouble Every Day de Claire Denis), Charlotte Gainsbourg (l’automutilation campagnarde d’Antichrist de Lars Von Trier), devant la caméra du réalisateur d’Irréversible
Sylvestre Picard

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ONDINE ★★★☆☆
De Christian Petzold

Ça commence par un cliché : une rupture entre deux amants à la terrasse d’un café. Elle, les yeux embués de larmes ; lui, essayant péniblement de la réconforter. Et puis cette menace, lâchée dans un sanglot par la jeune femme : « Si tu me quittes, tu dois mourir ! » Le cliché se fissure soudain de partout et prend l’allure d’un conte, d’une mythologie. Elle, elle s’appelle Ondine, comme la sirène légendaire qui peut sauver un coeur perdu mais doit se faire aimer en retour ad vitam aeternam sous peine de devoir tuer son amant. Dès lors, tout le réel qui entoure le couple prend une dimension étrange sans pourtant avoir besoin de se déguiser. C’est la façon de le regarder qui le rend différent (on retrouve ce prodige chez Luis Buñuel et Manoel de Olivieira). Le cinéaste allemand Christian Petzold (Phoenix) filme avec une précision remarquable ce monde qui s’accorde aux désirs de son héroïne. La beauté de cette histoire est justement la façon dont Ondine va refuser la fatalité du mythe auquel son personnage est attaché pour prendre en main son destin. Sa rencontre « aqueuse » avec Christoph est un choc filmé avec un humour volontairement toc (la caméra vibre, un aquarium explose, l’eau gicle sur les futurs amants). C’est que Christoph est scaphandrier et passe la plupart du temps sous l’eau. Petzold reforme le couple d’interprètes de son précédent long métrage, Transit : Paula Beer, primée à Berlin, et Franz Rogowski, tous deux remarquables de fragilité partagée. L’amour n’est pas un jeu de domination mais implique une douce réciprocité des forces. Ondine est un mélo étrange, beau et intrigant.
Thomas Baurez

SING ME A SONG ★★★☆☆
De Thomas Balmès

Au début des années 2010, Thomas Balmès filmait dans Happiness l’apprentissage du petit Peyangki, placé dans un monastère par sa mère pauvre. En parallèle à la vie monastique, Peyankgi découvrait les joies procurées par l’installation de l’électricité dans son petit village retiré du Bhoutan. Qu’est-il devenu ? C’est la question posée par Sing me a song, où l’on retrouve Peyangki, aujourd’hui jeune adulte. Toujours moine, il possède désormais, comme tous ses camarades, un smartphone sur lequel il passe son temps à surfer, même en priant ! Amoureux d’une jeune chanteuse qu’il a découverte sur une application musicale, il s’interroge sur sa vocation. Thomas Balmès récidive : à l’instar d’un Robert Flaherty jadis, il filme le réel comme une fiction – difficile de faire la part entre les deux. On pense au récent Adolescentes dans cette façon de tordre la réalité pour en tirer un récit concret et palpitant par la grâce du montage et de moments volés – ou reconstitués, on ne sait pas trop – qui servent le discours de Balmès sur « l’occidentalisation » des esprits, la perte des valeurs et l’effacement progressif de la vie spirituelle. Un nouveau personnage fait son apparition : Ugyen, une jeune mère célibataire qui survit en chantant dans des concours miteux, contrechamp sordide à l’histoire de Peyangki. Leur rencontre, retardée au maximum, renforce la dramaturgie de ce docufiction édifiant – un peu trop – dont on se demande forcément à la fin s’il ne connaîtrapas un troisième épisode.
Christophe Narbonne

STRIPPED ★★★☆☆
De Yaron Chani

Stripped arrive après Chained et Beloved, sortis coup sur coup au début de l’été. Il vient ainsi compléter la « Love Trilogy » telle que baptisée par le cinéaste israélien Yaron Shani. Ces trois fictions peuvent se voir dans n’importe quel ordre, les films se suffisant à eux-mêmes. Il s’agit d’une étude sur les rapports homme-femme dans la société israélienne d’aujourd’hui. Tel Aviv sert à chaque fois de toile de fond. Yaron Shani – remarqué en 2009 avec Ajami, Caméra d’or du Festival de Cannes – plonge sa fiction dans un bain documentaire (les interprètes amateurs ont tous plus ou moins à voir avec le personnage qu’ils incarnent) et rend plus troublante encore cette impression de vérité. La caméra accompagne avec douceur le destin fragile de ces anonymes qui se croisent et s’effleurent parfois d’un film à l’autre. Si Chained et Beloved tournaient autour de la séparation tragique d’un couple et alternaient les points de vue (homme, femme), Stripped met en scène deux personnages. D’un côté, un jeune musicien qui, à l’approche du service militaire, voit ses ambitions artistiques remises en cause. De l’autre, une écrivaine blessée dans son intimité au point de perdre pied. L’un et l’autre ont d’abord une trajectoire autonome. La rencontre programmée de ces deux solitudes ne garantit pas pour autant une réparation possible. La relative retenue de Yaron Chani ne cherche pas à masquer la violence, mais semble au contraire l’accueillir comme une fatalité. Cette trilogie de l’amour traduit la noirceur d’une époque.
Thomas Baurez

FIN DE SIÈCLE ★★★☆☆
De Lucio Castro

Ocho et Javi, deux inconnus de passage à Barcelone se rencontrent par hasard et font l’amour dans un appartement de location. Très vite, les deux hommes réalisent qu’ils se connaissent déjà et qu’ils ont vécu une histoire sans lendemain il y a vingt ans. Dans cette romance gay racontée sur plusieurs décennies, le cinéaste argentin Lucio Castro restitue avec une justesse désarmante la fièvre qui entoure les débuts d’une passion amoureuse et la façon dont cette même passion, aussi fugace soit-elle, transforme parfois l’existence d’un individu. Hypnotique et sensuel, Fin de siècle aborde avec subtilité tout un éventail de thèmes – de la séparation à l’homoparentalité – sans jamais perdre de vue son sujet principal : le désir, inaltérable et inconscient, qui unit ces deux « inconnus » en dépit du temps qui passe.
Julia Mothu

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

BLACKBIRD ★★☆☆☆
De Roger Michell

Lily et Paul, un couple de septuagénaires, décident de réunir leur famille pour un week-end. Au menu : une soupe à la grimace dure à avaler. Car Lily, atteinte d’une maladie incurable, a décidé de mettre fin à ses jours. L’annonce de ce choix va dès lors servir de détonateur à un feu d’artifice de rancoeurs longtemps enfouies. L’originalité n’étouffe guère ces règlements de compte sur fond de mort qui rôde, et le réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill ne révolutionne pas le genre. Mais il réunit devant sa caméra une troupe de comédiens de haut de gamme (Susan Sarandon, Kate Winslet, Sam Neill…) dont l’interprétation tenue empêche tout débordement lacrymal facile. Comme des patineurs artistiques se tirant de l’exercice des figures imposées avec les félicitations du jury. Cela rend-il Blackbird inoubliable ? Loin de là. Mais leur plaisir à jouer ensemble traverse l’écran.
Thierry Cheze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

ÉLÉONORE ★☆☆☆☆
D’Amro Hamzawi

Amro Hamzawi (scénariste de 20 ans d’écart) passe derrière la caméra avec une comédie sur l’acceptation de soi dont le rôle principal est tenu par sa petite soeur, Nora, la chroniqueuse punchy de Quotidien, vue dans Doubles Vies d’Olivier Assayas. Que faire quand on n’arrive pas à réaliser son rêve et que tout le monde vous pousse à embrasser la réalité ? Éléonore, « wanabee » romancière, écoute donc sa mère et sa soeur autoritaires et accepte un boulot chez un éditeur spécialisé dans les romans érotiques (impassible André Marcon). Le pitch est amusant et son interprète attachante, mais ce premier film est pétri de maladresses. Des dialogues sans piment et des personnages secondaires tous résumés à un unique trait de caractère (la soeur, la secrétaire, la romancière…) nuisent au rythme de cette comédie. Dommage.
Sophie Benamon

PIERRE CARDIN ★☆☆☆☆
De P. David Ebersole & Todd Hughes


Après le savoureux Cyril contre Goliath de Thomas Bornot qui égratignait la statue du Commandeur, ce documentaire entend remettre l’Église au centre du village de Lacoste et célébrer ce révolutionnaire de la mode qu’était Pierre Cardin en retraçant sa vie. Et nul ne parle mieux de Pierre Cardin que Pierre Cardin lui-même dans des archives où il apparaît aussi visionnaire que prétentieux, en diva qui assume de l’être. Tout le contraire des témoignages d’admirateurs énamourés qui transforment ce portrait en une hagiographie lénifiante et cinématographiquement très faible (cette musique non-stop, affront à ses goûts subtils…). Un film très loin de l’un des sommets du genre, Célébration, d’Olivier Meyrou, sur Yves Saint Laurent, longtemps interdit par Pierre Bergé. Ici, aucun risque de censure tant l’eau tiède coule à flots et contredit la personnalité forte et ambiguë du créateur.
Thierry Cheze

AILLEURS ★☆☆☆☆
De Gints Zilbalodis

Un jeune homme fuit une forme translucide menaçante qui semble le pourchasser. Il parcourt un monde désertique à moto, recueille un oiseau nullement effrayé par le monstre… Avant toute chose, précisons qu’il s’agit ici d’un premier film d’animation réalisé entièrement par un jeune Letton de 25 ans – également auteur de la musique électro, très réussie. On peut saluer le tour de force que cela représente tout en en montrant les limites. Au minimalisme désespérant du scénario (variation simpliste autour de thèmes miyazakiens, tels que les rites initiatiques et l’écologie) s’ajoute une animation assez pauvre qui fait davantage ressembler Ailleurs à une démo de jeu vidéo qu’à un film. On attend néanmoins avec impatience le jour où Gints Zilbalodis aura les moyens de ses ambitions.
Christophe Narbonne

Et aussi…
Boutchou, d’Adrien Piquet-Gauthier
Léo, Loulou, Jeanne et les autres, d’Éléonore Loeher

Reprises
Il maestro di Vigevano, d’Elio Petri
Le territoire des autres, de Gérard Vienne, François Bel et Michel Fano