Soyons clairs : Chronicle, premier film de Josh Trank, vaut beaucoup mieux qu'un énième film de "métrage retrouvé". Et voilà pourquoi...Depuis le succès inexplicable du Projet Blair Witch, un nouveau sous-genre est apparu, appelé « found footage » (ou « métrage retrouvé », en VF). Le procédé a été inauguré par Ruggero Deodato avec Cannibal Holocaust, mais le principe est toujours le même : des bobines de film mises bout à bout retracent une histoire incroyable (ça marche aussi avec des cassettes ou des rushes sur cartes mémoire). C’est à la base un gimmick qui permet aux petits malins, flemmards ou radins de raconter une histoire sans écrire de scénario, tout en filmant n’importe comment avec un Iphone.Très apprécié dans le cinéma d’horreur, le procédé s’est généralisé depuis la récente révolution numérique. Financièrement, ça ne coûte rien, et ça peut rapporter gros. Artistiquement, les résultats varient sauvagement entre le minable (Blair Witch), le correct (Rec), et le malin (Cloverfield, un vrai film de studio déguisé).Cette semaine Chronicle nous arrive pré-vendu comme un film de superhéros raconté sous forme de métrage perdu. En réalité, il n’est ni l’un ni l’autre, et réussit l'exploit d'être beaucoup mieux que l’un et l’autre.Il s’agit du premier long-métrage de Josh Trank, dont on peut voir quelques courts métrages sur youtube, intéressants parce qu’il explorent déjà le thème du super héros.Sauf que les héros de Chronicle n’ont pas vraiment de super pouvoirs, ils s'agit plutôt de personnages ordinaires brusquement dotés de télékinésie, c’est-à-dire de la capacité de mouvoir les objets à distance. Au début ils s’en amusent, puis apprennent à contrôler cette aptitude, qui peut prendre des proportions étonnantes. A un moment, ils comprennent qu’ils doivent se fixer des règles et les respecter.Là où Blair Witch nous proposait de suivre une bande de crétins morbides, impossibles à supporter plus de cinq minutes, Chronicle a lieu dans une université. Ses personnages ont les moyens intellectuels et moraux d’évaluer la portée de leurs actes. Au cours d’une conversation en début du film, deux d’entre eux citent Schopenhauer pour affirmer qu’ils sont le produit de leur volonté. Cette prise de conscience prend une dimension dramatique lorsque le hasard leur procure des pouvoirs accrus. Tout leur devient possible, pour le meilleur et pour le pire. Ils sont trois, et chacun fera selon ses forces et ses faiblesses. Evidemment, le plus vulnérable des trois provoquera une crise.Le film retrace les principaux dilemmes liés aux super héros, mais le fait de rester dans le cadre de la « vraie vie » leur donne un air réaliste inédit. L’histoire est racontée principalement du point de vue d’un des protagonistes, qui envisage l’enregistrement systématique de tous les détails de sa vie comme une thérapie. D’où la justification de l’esthétique documentaire et du procédé « métrage trouvé », qui lance le film, avant qu’il n’évolue vers quelque chose de plus dément. Divers stratagèmes, parfois grossiers, sont utilisés pour simplement raccorder les plans. C’est objectivement une faiblesse, ne serait-ce que parce qu’on pourrait se poser la question « Mais qui a monté les rushes ? » Mais en fin de compte ça n’a aucune importance. L’histoire (co-écrite par le fils de John Landis) est traitée avec tellement de conviction qu’on finit par oublier le procédé, et Chronicle finit par se révéler bien meilleur qu’un film de super héros, et plus malin qu’un film de métrage perdu.
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- Chronicle : bien mieux qu'un film de found footage
Chronicle : bien mieux qu'un film de found footage
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