William Karel fait partie sans conteste des documentaristes européens les plus renommés. Son oeuvre, politique et exigeante, l'a amené à s'interroger sur certains des événements historiques majeurs du XXe siècle ou sur les rouages du pouvoir contemporain. Né en Tunisie, il fait ses études à Paris, avant de partir pour une dizaine d'années dans un kibboutz israélien. En 1981, de retour en France, il travaille durant près d'une dizaine d'années en tant que reporter-photographe pour les agences de presse Gamma ou Sygma. Dès 1988, il décide de troquer son appareil pour une caméra et se lance dans la réalisation de sujets documentaires pour le compte des émissions Envoyé Spécial et La Marche du Siècle. Continuant de faire ses armes sur des programmes télévisuels, il participe par la suite, entre 1993 et 1995, aux dossiers des Brûlures de l'Histoire, avec en autres J.F. Kennedy (1993) ; Sartre/Aron : 50 ans d'histoire (id) ; La Nuit des longs couteaux (1994) ou 8 mai 1945 : une journée particulière (1995). Entre temps, Karel signe le stupéfiant F.M.I- Jamaïque : Mourir à crédit (1994), co-produit par Arte (la chaîne deviendra par la suite son collaborateur privilégié) où il démonte et expose, par le biais d'une mécanique rigoureuse, le rôle joué par le Fond Monétaire International et sa mise en place d'une politique économique de libre marché dans la situation d'endettement extrême à laquelle est soumis le pays. Enchaînant avec La Mort en face (1995), Contre l'oubli (id), Mourir à Verdun (1996) ou Une terre deux fois promise : Israël/Palestine (1997), le documentariste en profite aussi pour achever ses portraits d'écrivains (Albert Cohen, , ) initiés pour la collection cathodique Un siècle d'écrivains. Par la suite, Karel se lance dans un triptyque consacré à la politique française, et en particulier à trois de ses figures emblématiques :Jean-Marie Le Pen dans Histoire d'une droite extrême (1998), François Mitterand dans François Mitterand. Un mensonge d'état (2001) et Valéry Giscard d'Estaing dans VGE, le théâtre du pouvoir (2002). Devenu un spécialiste des affaires d'état, il poursuit par la suite ses investigations jusqu'aux Etats-Unis avec Les Hommes de la Maison Blanche (2000), un voyage passionnant au coeur des arcanes de la diplomatie américaine ; Dark Side of the Moon (Opération Lune, 2002), un faux documentaire (docu-menteur) sur la conquête spatiale et Hollywood ; CIA : Guerres secrètes (2003) ou les coulisses édifiantes de la célèbre agence d'espionnage ; Les derniers jours du sénateur McCarthy (2004) qui retrace la chute de l'homme à l'origine du climat de paranoïa emblématique des fifties ; et Le Monde selon Bush (id), puissant pamphlet d'une efficacité et d'une rigueur sidérantes, dressant le bilan de la politique du gouvernement du 43e président. Largement encensé par la critique, ce dernier documentaire contribue à faire connaître au grand public le méticuleux travail documentaire de Karel, que l'on compare souvent bien à tort au démago Michael Moore. C'est à ce titre que son prochain film, La Fille du juge (2005) bénéficie d'une plus large distribution en salles. Délaissant le principe de l'enquête au profit d'un récit intimiste, Karel s'appuie ici sur l'évocation de Clémence Boulouque, fille du célèbre juge anti-terroriste, de ses souvenirs personnels, tel un livre ouvert, entre témoignage et images d'archives. L'année suivante, en signant la comédie dramatique Poisson d'avril ( TV, 2007) pour Arte, le cinéaste s'éloigne pour un temps de son champ d'étude documentaire, même s'il poursuit son exploration du domaine politique via cette immersion au sein de la rédaction d'une chaîne télévisée pendant la campagne des élections présidentielles en 2002. Une incursion dans la fiction qu'il avait déjà concrétisée en collaborant à l'écriture de trois films de Philippe Faucon : Sabine (1993), Mes 17 ans (TV, 1996) et récemment Dans la vie (2007). A noter que William Karel est aussi l'auteur de deux ouvrages, prolongements naturels de son oeuvre documentaire, Opération vent printanier (La Découverte, 1992), du nom de code de la Rafle du Vélodrome d'hiver, et Une terre deux fois promise: Israël/Palestine (éditions du Rocher, 1998) sur le conflit au Moyen-Orient.