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Colin, on parle de votre look dans The Lobster ? La moustache, les lunettes, les kilos en trop… Le personnage était comme ça dans le script ou ce sont des idées que vous avez apportez ?
Il n’y avait pas de description du personnage dans le scénario. J’ai commencé à le lire et très tôt, j’ai vu une moustache. Puis on a discuté avec Yorgos (Lanthimos, le réalisateur) et on s’est dit que cet homme était mou, très mou. A chacune de nos conversations, il était un peu plus mou. Alors je me suis mis à manger…

« Très tôt, j’ai vu une moustache ». Je suis content que vous disiez ça parce que c’est loin d’être innocent, les moustaches, dans votre filmo. Tout le monde a déliré sur les premières images de la saison 2 de True Detective parce que vous y arborez la même moustache que dans Miami Vice
Ouais. C’est pas tout à fait la même, en fait. Elle était un peu plus longue dans Miami Vice, en guidon (handlebar). Nic (Pizzolatto, l’auteur de True Detective) m’a montré de vieilles photos de moi, où je portais la moustache qu’il voulait que j’aie dans le show. Ça m’a un peu gonflé au début. J’y voyais une déclaration d’intention. « Statement, statement, statement ». Puis on m’a montré les fringues du personnage, l’environnement dans lequel il évoluait, et j’ai cédé. Chaque moustache est différente. Mais faut peut-être que je me calme. J’ai dû faire 5 ou 6 films moustachus, je crois bien que j’ai explosé mon quota…

Là, en l’espace de deux mois, on vous voit à Cannes dans un film réalisé par un auteur grec, puis dans une série HBO. Vous êtes à la recherche de nouveaux territoires créatifs ? Ou, pour le dire autrement, le cinéma américain va si mal que ça ?
Non, non, les films européens et moi, c’est une longue histoire. Bons Baisers de BrugesOndine, Mademoiselle Julie, Le Rêve de Cassandre… Tous les 2 ou 3 ans, je me retrouve à faire un film chez moi, en Irlande (The Lobster a été tourné là-bas). Quant à la télé… Ça fait en effet plus de quinze ans que je n’en avais pas fait mais, franchement, rien sur True Detective ne ressemble à de la télé. Que ce soit en termes de scope, d’ambition, de qualité d’écriture, de prestige, de productions values… Je ne suis pas en plein déni, hein, je sais que ça ne sortira pas en salles. Mais de mon point de vue, il n’y a aucune différence avec le cinéma.

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Vous aviez regardé la première saison en spectateur ? C’est elle qui vous a convaincu que c’était le choix de carrière qu’il vous fallait ?Non, la première saison m’a donné envie de ne surtout pas participer à la 2 ! Comment rivaliser avec ça ? Je sais très bien que tout le monde nous attend au tournant (il mime un type en train d’aiguiser un couteau). En plus je m’étais promis de ne plus jamais jouer de flics. Je déteste les armes ! Puis j’ai lu les scripts. Et j’ai replongé. L’insigne, ces putains de flingues… On a fini de tourner il y a quinze jours. Ça sort du four.

Vous êtes donc prêt à affronter l’éventuel backlash ?
Tu sais, je me suis pris tellement de coups dans ma carrière... Quand on a vécu une épreuve du feu comme Alexandre, on est blindé.

C’est un plaisir pour un acteur de faire les trucs que vous faites dans The Lobster ? Jouer en slip kangourou, gras du bide ?
Tous les acteurs adorent ça. Parce qu’ils peuvent dire : regardez comme j’ai bossé. Les kilos en trop, ça m’a aidé à être dans une vérité physique immédiate. Et ça a eu un impact émotionnel sur moi. Pendant le tournage, je me réveillais en nage en pleine nuit, j’avais des sautes d’humeur, mal aux chevilles… Puis ça a fini par me calmer. J’ai tendance à être frénétique, un peu nerveux, mais le poids du personnage m’a ralenti. Ancré dans le sol.

Vous en êtes où aujourd’hui dans votre carrière ? Hollywood a encore envie de vous confier un de ses blockbusters ?
Je vois passer des trucs, rien ne m’excite vraiment. Les films qui m’ont aidé à mettre ma famille à l’abri du besoin, c’est bon, je les ai faits. J’ai aussi fait les films ambitieux dont tu sors en disant : « ah, c’est bien, hein », avec une petite voix aigüe, comme si tu essayais de t’en convaincre en le disant. Aujourd’hui, j’ai envie d’avoir le courage de mes convictions. Ne m’engager que sur des choses irréprochables du point de vue de l’écriture. Des trucs comme True Detective ou The Lobster.

Interview Frédéric Foubert