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James Bond LoserEnfin, un VRAI cinéaste s’attaque au mythe, donne de la densité au personnage iconique et lui offre un peu de relief. Mais à force de revenir sur lui-même, d’arpenter son enfance, de refuser gadgets et filles faciles dans Skyfall, James n’a plus grand chose de Bond. Tout en respectant le cahier des charges, Sam Mendes signe au fond un Bond sérieux, mélancolique et sans second degré pour relancer l’agent secret dans le XXIème siècle. Au risque de diluer le fantasme ?

 

Daniel Craig Loser La règle est simple : un épisode pour se chauffer, un deuxième pour prendre ses marques et le troisième est le Bond. Regardez la filmo des Commanders : c’est au bout du troisième épisode que l’acteur qui joue 007 prend vraiment la mesure du rôle. Après le ratage Quantum, Skyfall devait donc être le tournant de Daniel Craig. C’est lui qui a demandé à Mendes de réaliser le film. Il a suivi la gestation du script de près.... Mais dans Skyfall tout le monde lui fait de l’ombre. Javier Bardem (génialissime méchant), Sam Mendes (qui dissout Bond dans son univers et ses obsessions) et Judi Dench (l’héroïne du film). Craig est super, inspiré, impliqué, mais c’est son troisième Bond et si on fait le compte, enchaîné à ses reboots inépuisables, il n’a toujours pas joué officiellement le personnage.

 

Javier BardemWinner/LoserBardem est le divertissement de Skyfall. Il vole toutes ses scènes - son entrée dans le film restera d'ailleurs une des plus mémorables de la saga -, et parvient à sublimer la figure du méchant bondien en brouillant constamment les pistes avec un subtil dosage d’inquiétant (son passé, ses motivations) et de grotesque (sa coupe de cheveux, son jeu gay). Le problème est qu'il n’arrive qu’à la 75e minutes du film, que sa fin est bâclée et que les cheveux blonds de Silva ne surpasseront jamais la coupe au bol de Chigurh (No Country for Old Men).

 

Judi Dench WinnerPas besoin d’avoir vu le film, on le sait depuis que le synopsis a été dévoilé : M est au coeur de l’intrigue de Skyfall. Depuis qu’il est incarné par Judi Dench (GoldenEye), le boss de James Bond a pris de l’ampleur, mais jamais autant qu’ici. Skyfall est en grande partie son film, parce qu’elle n’est plus simplement le patron qui envoie son poulain en mission, elle est d’une certaine manière la mission. On lui découvre alors un passé, des failles, des émotions qui font du personnage de M un être complexe dont la personnalité n’est plus uniquement déterminée par sa relation (conflictuelle) à son agent. Une direction qui permet à cette actrice shakespearienne de donner la mesure de son talent. La James Bond girl de Skyfall, c’est elle.

 

Roger DeakinsWinnerChef op de Mendes ou des frères Coen, c’est le vrai génie de Skyfall. Les superbes lumières de fin du film - la silhouette de Bardem se découpant dans la lande écossaise baignée de flammes - montrent bien qu’on lui a laissé le dernier plan - et le dernier mot. Il multiplie les gros morceaux de cinéma (Bond qui se fond dans le jeu de lumières, de néons et d'ombres chinoises d’un immeuble high-tech à Shanghaï) qui ont toujours manqué à la série. Au risque de faire de Skyfall un beau livre d’images.

 

Sam MendesWinnerPour la première fois en 50 ans et 23 films, un auteur accompli prend les commandes d’un James Bond. S’il dit partout que le film doit beaucoup à Nolan, Skyfall est avant tout une oeuvre de Sam Mendes. Esthétique chiadée, plans archi travaillés, rythme lent voire contemplatif, noirceur, gravité : le réalisateur des Sentiers de la perdition s’empare de la saga au moment où on fête son demi-siècle et parvient à imposer un anti-Bond. Il fait du Commander est homme vulnérable, en proie au doute et à la peur de vieillir, dont la puissance et le pouvoir de séduction demeurent, mais ne reposent plus sur les mêmes piliers. En faisant autant bouger les lignes, Sam Mendes rentre dans la saga par effraction, mais personne ne portera plainte. Le grand gagnant de Skyfall, c’est lui.

Vanina Arrighi de Casanova et Gaël Golhen