Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
BLACK ADAM ★★☆☆☆
De Jaume Collet- Serra
L’essentiel
Black Adam, nouvelle production DC, était censé imposer un nouveau standard superhéroïque et permettre une reconstruction totale du concurrent direct de Marvel. Mais il se contente de suivre le cahier des charges DC et repose surtout sur le charisme de sa star, Dwayne Johnson, un peu vieux pour ces conneries, mais largement au-dessus de ses partenaires de jeu.
Dans un pays du Moyen-Orient, le peuple vit sous la terreur d’une force armée internationale. Une mère et son fils, un peu idéalistes, très têtes brûlées, réveillent Teth Adams, un surhomme enfermé depuis 5000 ans dans les sables du désert. Une bande de méchants tente de mettre la main sur une couronne maléfique. Et la Justice Society of America (composée de Cyclone, Atom, Dr Fate et Hawkman) cherche à préserver l’équilibre du monde et va tout faire pour empêcher Adam de provoquer un bain de sang…
Le principe du film est donc d’offrir à Dwayne Johnson son grand rôle de superhéros. De ce point de vue là, Black Adam se regarde sans déplaisir. Jeu de sourcil impeccable, muscles parfaitement taillés par ses costumes, uppercuts balancés avec décontraction et flegme… The Rock s’amuse et s’offre des plans scope impressionnants. L’ennui c’est que face à lui c’est le désert. La Justice Society of America avec ses personnages sans background et ses acteurs sans charme n’avait rigoureusement aucune chance de faire le poids. Les motivations de ces Avengers au rabais, leurs logiques d’action et jusqu’à leur présence sur le champ de batailles : tout reste inexpliqué et on comprend au bout de quelques minutes qu’ils ne sont là que pour faire de la figuration et offrir des répliques à The Rock.
Réalisé sans beaucoup d’originalité mais avec un certain savoir-faire, bardé d’effets spéciaux et de scènes apocalyptiques déjà vues, Black Adam ne révolutionnera rien, se contentant d’offrir la promesse (standardisée et de saison) de blockbuster superhéroïque.
Pierre Lunn
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
EO ★★★★☆
De Jerzy Skolimowski
Dans un hommage bressonien au sublime Au Hasard Balthazar, Jerzy Skolimowski signe à 84 ans un film animiste avec pour héros, un âne qui prend en charge un récit quasi-cosmique. Du cirque où il est chassé (pour son bien lui dit-on), va être trimballé de droite à gauche et croiser la route d’une humanité peu glorieuse (alcooliques, supporteurs déchainés, trafiquants...) L’âne, réputé têtu, ne l’est pas vraiment ici. De son œil qu’on jurerait devenu malicieux, on sent poindre ironie, lassitude et plus sûrement une forme de résignation. Aucune certitude pour autant, l’âne ne dit rien, crie et par ses sautes d’humeur obligent le spectateur à interpréter ses émotions. Toute la beauté du film réside justement dans cette façon de changer notre rapport au monde. A hauteur d’âne et d’âme, nos repères sautent. A l’image, Skolimowski, plasticien et peintre à ses heures non perdues, sidère par des envolées formelles d’un lyrisme décomplexé. La (grande) musique se fait omniprésente, rue dans les brancards, la caméra peut s’élever dans les cieux pour mieux transcender les choses. Plus que Bresson, le cinéaste tutoie ici Malick voire le Godard dernière manière dans cette capacité de sidération par la force d’une inspiration où tous les éléments constitutifs du cinéma sont convoqués (image, son, montage, incarnation...). Assurément l’un des films les plus stimulant et passionnant de cette année 2022
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
LE PHARAON, LE SAUVAGE ET LA PRINCESSE ★★★☆☆
De Michel Ocelot
Avec Le Pharaon, le sauvage et la princesse, le papa de Kirikou renoue avec le genre de la collection de contes. Trois contes, trois époques et trois univers animés aux styles graphiques à chaque fois différents mais reliés par une explosion de couleurs, véritable ravissement pour les yeux. A la demande d’une foule à qui elle demande quelles histoires ils ont envie d’entendre, une conteuse va ici en enchaîner trois. Une love story dans l’Egypte antique qui s’inspire de l'origine de la dynastie des pharaons noirs. Une légende auvergnate du Moyen- Âge mettant en scène le jeune fils d'un seigneur cruel. Et, une variation emballante d’un des contes des mille et une nuits autour d’une romance riche en obstacles entre un vendeur de beignets et la fille d’un grand vizir. Le format court sied décidément à Ocelot car il y trouve un meilleur équilibre entre la beauté de ses images et des dialogues tout à la fois moins présents et plus finement ciselées. Et la poésie et les messages humanistes qu’il y délivre s’accompagnent d’une touche d’humour bienvenue.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéRMN ★★★☆☆
De Cristian Mungiu
Bien que reparti pour la première fois sans prix de Cannes, c’est un tour de force que réussit ici le cinéaste palmé de 4 mois, 3 semaines et 2 jours : encapsuler en deux heures toutes les problématiques communes à nos sociétés occidentales (chômage, précarité grandissantes, peur et par ricochet haine de l’étranger…) dans un geste de cinéma fort où naturalisme et onirisme dialoguent à merveille. Son récit se déploie dans un village multiethnique de Transylvanie où l’embauche dans une usine de fabrication de pain de travailleurs venus du Sri Lanka va mettre le feu aux poudres et faire exploser les haines de classe, de religion et de race enfouies depuis des années. Avec une scène aussi symbolique qu’impressionnante : 17 minutes de plan séquence au cœur d’une réunion municipale visant à décider si oui non les Sri- Lankais doivent être chassés du village. Mungiu décrypte avec brio les rumeurs et les angoisses infondées à la base de cette haine de l’étranger. Et ce pendant qu’autour de ce village dont l’ultra- majorité des habitants laisse libre cours à son instinct le plus bassement animal, traînent des ours à qui le cinéaste laisse le dernier mot lors d’un plan final aussi majestueux que propice à toutes les interprétations.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéHABITES ★★★☆☆
De Séverine Mathieu
Habités. Quel beau titre qui traduit à merveille cette façon de porter en nous des élans, des désirs, des angoisses..., qui définissent notre façon d’être et notre rapport aux autres ! Les protagonistes de ce documentaire de Séverine Mathieu, sont « considérés comme fous par la société ». Une folie qui ne les empêche pas de vivre dans une relative autonomie en plein cœur de Marseille. La caméra saisit leur quotidien, les accompagne dans leurs rendez-vous et surtout les écoute. Car Roger, Nicolas, Khadidja et Wilfreed, ont des choses à raconter, sur eux-mêmes, sur cette façon de gérer leur différence dans un monde qui dicte ses normes. Des normes inatteignables pour peu que sa raison soit fragilisée. La mise en scène d’une sobriété exemplaire parvient à définir les limites d’un cadre qui emprisonne autant qu’il ouvre des perspectives.
Thomas Baurez
UN COUPLE ★★★☆☆
De Frederick Wiseman
Double surprise, celle de voir à 92 ans l’américain Frederick Wiseman, grande figure du documentaire au long cours (le dernier en date City Hall durait près de cinq heures), retrouver le terrain de la fiction – vingt ans après La Dernière lettre avec Jeanne Moreau - sous la forme d’un moyen métrage. Il s’agit d’un monologue. Sophia Tolstoï (Nathalie Boutefeu), femme du grand Léon, s’adresse à voix haute au milieu d’une végétation bourgeonnante, à son défunt et illustre mari. Ce qu’elle a à lui dire retrace les méandres d’une vie à deux, faite de déséquilibres : âge, sexe, désir, inspiration, place dans la société... Wiseman sur les traces du cinéma de Straub et Huillet, croit à la force du texte, à sa possible incarnation à l’écran. Il cherche - et trouve - un parfait dépouillement. Ici, une vague s’écrasant sur un rocher a la même force qu’une récrimination à l’adresse d’un mort.
Thomas Baurez
YUKU ET LA FLEUR D’HIMALAYA ★★★☆☆
De Arnaud Demuynck et Rémi Durin
Sylvestre Picard
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
BROS ★★☆☆☆
De Nicholas Stoller
Bros se présente à nous comme « le premier film de studio américain entièrement joué par un casting LGBTQ+ » – une date, donc, dans l’histoire des représentations. Produite par Judd Apatow, réalisée par Nicholas Stoller, co-scénarisée par sa star Billy Eichner, cette rom-com fait le portrait de Bobby, un gay militant qui ne croit plus en l’amour, et dont les certitudes vont être ébranlées par sa rencontre avec le beau Aaron. Conscient de son statut de borne pour le cinéma US, le film référence la filmo de Meg Ryan, ironise sur Le Secret de Brokeback Moutain, souligne l’homophobie de Very Bad Trip… Mais à l’arrivée, il n’est pas très différent d’une production Apatow hétéro standard : des blagues de cul très crues, quelques vannes pop-culturelles bien senties, un bon instantané de l’air du temps, mais dilué dans une intrigue élastique, sans rythme et sous-écrite.
Frédéric Foubert
HALLELUJAH- LES MOTS DE LEONARD COHEN ★★☆☆☆
De Daniel Geller et Dayna Goldfine
Le Hallelujah de Leonard Cohen - issue de l’album Various Position (1984) - a-t-il encore des secrets à nous offrir ? La chanson devenue hymne pour mariages, baptêmes, enterrements ou radios-crochet, a tellement été usée jusqu’à l’os que tout fan du ménestrel canadien ne peut plus se la voir en peinture. Les deux réalisateurs de ce documentaire l’envisagent toutefois comme une porte d’entrée pour appréhender l’œuvre de Cohen. Sauf qu’ils n’ont hélas pas trop cherché à creuser se contentant du discours officiel et se contentent de remonter chronologiquement la vie et l’œuvre du dandy mystique, comme nombre d’autres documentaires avant le leur. Certaines archives, émouvantes, donnent le frisson. La voix profonde et la retenue magnifique de Cohen rendent d’ailleurs caduques les trop sages interventions des proches. Ce film devrait sûrement plus intéresser les profanes que les aficionados.
Thomas Baurez
REPRISE EN MAIN ★★☆☆☆
De Gilles Perret
On connait Gilles Perret pour ses nombreux documentaires et notamment ceux co-réalisés avec François Ruffin (J’veux du soleil!, Debout les femmes ! ). Le voici qui s’essaie à la fiction avec ce drame social qui voit des employés d’une usine menacés par le rachat inopiné de leur entreprise. L’un d’entre eux, Cédric (Pierre Deladonchamps) tente de fédérer autour de lui des amis pour parasiter la vente. Quelque part entre le cinéma de Ken Loach et de Stéphane Brizé, Perret use des outils du cinéma pour créer du suspense et donc maintenir une tension censée nous accompagner jusqu’au bout de cette lutte des classes. Malheureusement, son scénario trop schématique et manichéen désamorce toute complexité. Dès lors, toute tentative d’échappée d’un ou plusieurs personnages apparait trop artificielle. Dommage.
Thomas Baurez
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