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Contrairement à Lost in Translation, Somewhere, moins immédiatement aimable, ne comble pas l’ennui de ses héros qui bullent en creux et nous fait partager la désagréable vacuité des existences déresponsabilisées qui finissent par puer la mort. Stephen Dorff n’habite pas le cadre comme Bill Murray, et c’est sans doute fait exprès. En quelques plans, Sofia Coppola arrive à capter l’atmosphère déliquescente d’un Los Angeles où les heures, les
distances et le soleil ne comptent plus. Mais, au détour d’une ou deux parenthèses enchantées dont elle a le secret, la réalisatrice ramène son héros (et nous-mêmes) à la vie, comme dans cette séquence à la patinoire où l’ange blond Cleo glisse sur du Gwen Stefani comme elle glisse irrémédiablement vers l’adolescence, sous les yeux de son père qui n’a rien vu venir. Somewhere, over the rainbow.
Toutes les critiques de Somewhere
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Qu'on se souvienne des lycéennes de Virgin Suicides, alanguies derrière la fenêtre de leur chambre des après-midi entiers : Sofia Coppola est la championne des « temps morts » très vivants, émouvants ou éloquents. Un plan fixe sans dialogue est souvent son meilleur atout. Somewhere confirme ce talent pour le presque rien, avec, en prime, un humour noir et absurde qui peut faire très mal. Convoqué pour un moulage de sa tête destiné aux effets spéciaux de son prochain film, Johnny disparaît entièrement sous une cagoule de pâte blanche à sécher, privé de l'usage de ses yeux, interdit de mouvement et de paroles pendant quarante minutes. Emmuré vif, zombie, fantôme, plus seul que jamais... L'image se suffit à elle-même. De l'art de faire, avec du vide, le plein de cinéma.
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Le son est bon, l'ambiance est cool, les couleurs pètent, le sujet est "original". Le souci, c'est que cet échafaudage hype branle tout au long du film. (...) On attendait une petite bombe sucrée, voilà, un pétard qui explose avec moins d'artifices que prévu.
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Sofia Coppola nous refait-elle le coup de Lost in Translation? Non. Car si la paire Stephen Dorff/Elle Fanning n'a pas la puissance du couple Bill Murray/Scarlett Johansson, la réalisatrice s'attache à montrer les coulisses du système hollywoodien et ses codes maîtrisés par le personnage principal. A un système qui se mord la queue, Sofia Coppola répond par séquences qui se répètent, s'éternisent parfois.
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La fille du réalisateur du Parrain n'a pas son pareil pour décrire la solitude d'un garçon à l'emploi du temps chaotique que ses conquêtes d'un soir ne comblent pas. Stephen Dorff, touchant en grand enfant, trouve une partenaire craquante en Elle Fanning, bambine au regard profond. Leur bonheur de partager une glace ou de gratter ensemble la guitare d'un jeu vidéo réjouit à la façon d'un rayon de soleil dans l'univers artificiel que la cinéaste décrit avec acuité.
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Auréolé d'un Lion d'or à la Mostra de Venise en septembre 2010, Somewhere est le film le plus minimaliste de Sofia Coppola, le plus osé aussi, tant pour le sujet que sa forme. Si une lecture autobiographique s'impose, elle n'est pas la seule. Le film est aussi le constat d'un changement d'époque. Dominée par la durée réelle des actions, les plans-séquences, et la succession de temps faibles, son esthétique renvoie aussi bien au Monte Hellman de Macadam à deux voies (la voiture qui tourne sans raison dans le désert) qu'à la Chantal Akerman des Rendez-vous d'Anna (le voyage immobile en hôtel).
Mais ces figures de la radicalité cinématographique des années 1970 ne nourrissent plus, dans Somewhere, la moindre révolte, la moindre inquiétude sociale, le moindre appel à un monde différent. Comme dans chaque film de Sofia Coppola, elles servent tout au plus l'ironie délicate qui vise la déliquescence d'un univers de happy few auquel elle appartient. Ce courage qui l'honore est en même temps une souffrance qui la hante et une fidélité qui l'entrave. Somewhere l'aidera-t-elle à couper enfin le cordon ?
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Entre radotage et symbolisme assommant, le film donne volontiers le bâton pour se faire battre. Jusqu'à ce que, brusquement, il se raidisse quand son stylisme de la vacuité, sa grâce statique poétisent enfin sur la condition de ses personnages, et capitalisent moins sur sa facture d'objet trendy.
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Sofia Coppola n’a plus rien à dire. Mais elle le dit bien.
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Somewhere est un film un peu bêta. C'est une vraie régression, surtout de la part d'une réalisatrice qui a su faire de très bons films comme Lost in Translation, Marie Antoinette. Sans doute la fille du grand Francis, élevée dans ce milieu, craint-elle le sacrilège. Ne risque-t-elle pas de profaner ses souvenirs d'enfance en portant un regard d'adulte sur Hollywood ? Ou bien, pire encore, de souiller l'image du père ? Somewhere est l'oeuvre d'une gamine qui n'ose pas liquider son enfance. Bref, on attend son prochain film avec impatience.
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En père immature, Stephen Dorff est craquant. Mais on s'ennuie à force de le voir conduire sa Ferrari, boire, être dragué, et même parler (peu) avec sa fille. Plus masculin que paternel, ce portrait, signé Sofia Coppola, a reçu le Lion d'or à Venise.Pour la photo, superbe, et la BO de Phoenix, probablement.
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(...) difficile d’éviter la tiédeur devant un film à sang froid. Après les fastes de « Marie-Antoinette », miss Coppola passe en mode minimaliste avec cette histoire de déprime à Los Angeles. Star de cinéma, Johnny Marco tourne en rond — littéralement — au volant de sa Ferrari noire. Il habite une suite du Chateau Marmont, hôtel mythique, boit sans soif et vit sans désir, s’endort sur le corps des filles qui lui tombent dans les bras, s’ennuie à mille dollars de l’heure au cours de longs plans fixes à la photo d’un chic achevé. La vacuité de son existence contamine la pellicule. On repense à un autre acteur, dans un autre hôtel — Bill Murray, immense, dans « Lost in Translation » de la même Sofia Coppola — et les carottes de Johnny semblent cuites: comment s’intéresser plus longtemps à ce pauvre type ?
C’est alors qu’arrive non pas Zorro mais Cleo, sa fille de 11 ans, infiniment gracieuse, fraîche, vivante (et merveilleusement interprétée par la petite Elle Fanning). La gamine régénère son pater et sauve « Somewhere » du vide. Le charme du film reste ténu, entre savoureuse virée italienne et parties de jeux vidéo, mais au moins il opère. Disons que le lion ronronne enfin.
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On s’en doutait un peu mais Sofia Coppola, entre une publicité tournée pour Dior et un sac à main dessiné pour Vuitton, raffole de ces motifs. Bien sûr, elle a le pedigree et surtout le style, toujours très au point sur les ultimes tendances, cette façon plutôt juste de restituer des atmosphères confinées, cette habileté à caser les musiques pop de ses potes (Thomas Mars, Sébastien Tellier, Julian Casablancas) et ne s’attaquer qu’à des histoires fines comme des crêpes de soie. D’ailleurs, le seul film dont elle n’est pas la scénariste, Virgin Suicides, est aussi à ce jour le plus consistant. Ici, tout est dans le "presque rien" qui se prend pour "déjà tout", ce "quelque part" (somewhere) qui ne mène… nulle part. C’est un choix radical que Sofia Coppola impose aux spectateurs. Et un peu lassant. Un peu escroc aussi?