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Deux ans après sa sortie au cinéma, Ciné+ Premier diffuse les inédits Fanny de Daniel Auteuil. A l'époque, le réalisateur confiait à Première son amour immodéré pour l’écrivain d’Aubagne, et comment le personnage d'Ugolin a changé sa vie en 1986 dans Jean de Florette.

Après La Fille du Puisatier, vous adaptez une nouvelle fois Pagnol… Qu’est-ce qui vous séduit à ce point chez cet écrivain ? C'est ma culture et mon éducation. Je viens d’un milieu ouvrier du Sud de la France et cette histoire, je la connais, je sais intimement de quoi ça parle, et comment il fallait en parler…Vous n’aviez pas peur de l’aspect… patrimonial ? Allez-y carrément ! Vous voulez dire poussiéreux ? Certains me l’ont reproché pour La Fille du puisatier, et… ça m’énerve ! Quand je joue Molière, je ne me dis pas que ça a été écrit il y a trois cents ans et que je ne devrais pas m'y coller. Les grands rôles sont faits pour être joués par les acteurs d'aujourd'hui. C’est un auteur très moderne et comme on ne passe plus ses films en N&B j’espère que la jeune génération découvrira sa force avec ces films.Quand vous dites moderne, vous pensez à quoi ? Un exemple, parmi cent… Vous avez un débat qui agite toute la société et qui porte sur la parentalité. C’est quoi être père ? Est père celui qui aime ou celui qui conçoit ? Et bien dans la trilogie, la réponse est claire : le père, c’est celui qui aime. Répondre ça, dans les années 30, je trouve que c’est d’une modernité et d’une audace folle. Évidemment, il faut protéger le folklore des pièces de Pagnol, jouer l’accent, ne pas sacrifier la partie de carte. Mais la pagnolade, ça m’emmerde… En faisant ces films, j’avais envie que cet auteur soit reconnu au-delà de l’exotisme. Il vaut beaucoup mieux que tous les a priori qu’on a sur son œuvre… Molière avait eu le même problème cela dit. Au fond, ceux qui ont la générosité de faire rire ou d’émouvoir tout en voulant dire des choses, ceux qui ont cette délicatesse-là, on ne retient d’eux que l’écume.Comment avez-vous travaillé l’adaptation ? La première chose que je me suis dite c’est qu’il fallait penser au film que je voulais voir. Et puis, en lisant le texte et en revoyant les films, je me suis rendu compte qu’il ne fallait rien rajouter mais au contraire enlever. Un peu de folklore justement, histoire de mettre en relief son universalité, retrouver les archétypes qu’il a su inventer. Et faire entendre encore mieux le texte. Pendant le tournage, j’étais dans la peau d’un artisan dont l’unique job était d’être au service de ces mots. C’est à la fois humble et énorme comme tâche ! Mais avec un matériau aussi riche, aussi fort… Les mots chez Pagnol ont valeur de paysage. Quand Marius parle de ses rêves, il faut faire vibrer ça, le faire résonner, et ça passe forcément par une certaine discrétion, un certain retrait.  Vous en faites vraiment un classique !Mais oui ! Pagnol, pour moi, c’est Molière ! Shakespeare ! Marius et Fanny, c’est Roméo et Juliette. C’est une histoire d’amour fou. Et qu’elle se passe à Marseille ou à Verone, finalement ça n’a pas tant d’importance que ça…C’est là qu’il faut parler de Raphael Personnaz. C’est un Marius impressionnant, comme Pierre Fresnay dans les films originaux…Ça me touche que vous me disiez ça… Parce que Fresnay… C’est quand même une sacrée classe. Raphaël, pour moi, C’EST Marius. Jouer bien, beaucoup de gens savent le faire. Mais être habité par un truc, c’est plus compliqué… Il fallait que Marius soit hanté par l’envie de partir. Et Raphaël, il a tout ce qu’il faut pour nous raconter ça… Bon, je ne l’ai pas lâché. Je lui ai mis la pression. Parce que, je suis aussi acteur et si je sais quel peut être l’apport d’un comédien sur un film, je sais aussi l’importance du regard et de l’exigence du metteur en scène. Il est beau, mais il a bossé comme un fou pour capter quelque chose de ce héros fracassé, de ce héros qui va se tromper.Vous avez l’air transformé quand vous parlez de Pagnol. C’est vrai, c’est bizarre. Vous savez, Ugolin a changé ma vie. J'étais vraiment dans le creux de la vague et du jour au lendemain, grâce au film de Berri, à son succès, je revenais aux affaires. Et dans un rôle populaire… Ça m’a permis de faire des films d’auteur (Deville, Sautet) et Jean de Florette m’a ouvert beaucoup de portes. Quand j’ai pensé à la réalisation, j’ai vite compris que ce désir-là ne pouvait passer que par Pagnol. Parce que je devais être sincère et que seul Pagnol pouvait me permettre ça. D’être vrai. Authentique. Tout en pouvant raconter une formidable histoireMarius, Fanny… Et César ? Ah… C’est mon épisode préféré. L’adaptation est prête. Maintenant, il me faut un peu de temps et puis ça dépendra aussi du succès des deux premiers volets.Interview Pierre LunnL'histoire de Fanny : Fanny, amoureuse et abandonnée, apprend qu’elle attend un enfant de Marius. Elle se retrouve en position dramatique de mère-fille, incapable d’assurer son propre avenir et celui de son enfant. Elle accepte alors, avec l’approbation de sa mère et du grand-père de son enfant, César, de se marier avec un commerçant prospère du Vieux-Port, Honoré Panisse ; celui-ci est âgé de trente ans de plus qu’elle. Il reconnaît son enfant et l’élève comme le sien ; Panisse leur apporte une prospérité certaine, une honorabilité sociale retrouvée et un avenir confortable. Quelques mois après le mariage et la naissance du bébé, Marius, prenant conscience de son amour pour Fanny durant son voyage lointain, mais qui n’a pas de situation sérieuse, revient et cherche à reconquérir Fanny, toujours amoureuse de lui et à reprendre son enfant. Fanny est diffusé ce soir à 22h20 sur Ciné+ Premier.