DR

Pendant que David Oyelowo critique l'Académie, la présidente de l'institution promet "de gros changements" pour l'avenir.

Cheryl Boone Isaacs, la présidente de l'Academy of Motion Picture Arts and Science (ou "Académie des Oscars" pour faire plus court), est noire. Troisième femme à occuper ce poste et première afro-américaine. Ce qui la rend suffisamment légitime pour parler du manque de diversité des nominations aux Oscars 2016. Rappelons que pour la deuxième année consécutive aucune actrice ou aucun acteur noir ne fait partie de la la liste, et que des Blancs sont nommés pour les films blacks de la sélection (Stallone pour Creed, les scénaristes de N.W.A. Straight Outta Compton). Résultat, Jada Pinkett Smith et Spike Lee appellent à un boycott des Oscars. Chris Rock, présentateur des Oscars 2016, s'est même moqué des trophées en les appelant sur Twitter les "trophées BET des Blancs" (en référence aux trophées remis par la chaîne Black Entertainment Television afin de récompenser les personnalités afro-américaines de l'année). Le hashtag #OscarsSoWhite commence à devenir une sacrée épine dans le pied de l'Académie.

Oscars 2016 : où sont les Noirs ?

Lundi soir, Isaacs recevait le prix Rosa Parks Humanitarian Award lors de la cérémonie des King Legacy Awards, récompensant les personnalités investies dans les avancées envers l'égalité des races (dans le sens anglo-saxon du terme). Et tout en reconnaissant "le travail fantastique des nommés de l'année" aux Oscars, elle a parlé dans son discours de remerciements du problème de diversité. "Je suis à la fois triste et frustrée du manque d'inclusion", a-t-elle dit. "C'est le moment de faire de gros changements." Son principal objectif : renouveler les 6 000 membres de l'Académie dont l'écrasante majorité est blanche (93%) et masculine (76%). "L'Académie est en train d'accomplir de gros changements dans la composition de nos membres. Dans les jours et semaines qui viennent, nous allons effectuer un audit de nos méthodes de recrutement pour apporter toute la diversité nécessaire à notre promotion 2016 -et toutes celles à venir." A travers Isaacs, c'est l'Académie qui parle : "On a essayé de faire bouger les choses les quatre dernière années, mais le changement n'arrive pas aussi vite que prévu", continue Isaacs. "On doit faire plus, mieux et plus rapidement..."

"Je suis membre de l'Académie et elle ne me représente pas, et elle ne représente pas ce pays."

Lors de la même cérémonie, l'acteur David Oyelowo a critiqué l'Académie, encore plus directement. "Cette institution ne représente pas sa présidente et ne représente pas ce public", a-t-il déclaré. "Je suis membre de l'Académie et elle ne me représente pas, et elle ne représente pas ce pays." Rappelons que l'an passé son film Selma (où il jouait Martin Luther King) avait été sévèrement snobé par la sélection (deux nominations, et le film n'a gagné que l'Oscar de la Meilleure chanson). "Actuellement un acteur noir est le héros du plus gros film dans le monde (NDLR : Star Wars : Le Réveil de la Force). Ce film a perdu sa première place au box-office par un autre film dont deux Noirs sont les héros, Mise à l'épreuve 2. Et la plus grosse série télé dans le monde est Empire avec son casting noir", a martelé David. Très inspiré, David a livré un speech vibrant sur l'importance des Oscars : "La raison pour laquelle les Oscars sont tellement importants est parce qu'il s'agit du zénith, de l'épitome, du sommet de la célébration artistique au sein de la communauté cinématographique. Nous grandissons en souhaitant, en rêvant, en désirant désespérement que cette belle institution nous accepte car il s'agit de l'accomplissement de l'excellence. J'aimerais m'en détourner et dire que cela n'a pas d'importance, mais c'est faux, c'est important parce que cette reconnaissance change la trajectoire de nos vies, de nos carrières, et la culture du monde dans lequel nous vivons." Conclusion : "On ne peut pas se permettre d'être amers, on ne peut pas se permettre d'être négatifs. Mais on doit faire entendre notre voix."

Mais tout reste à faire. On pourrait établir un parallèle avec ce qui s'est passé tout récemment du côté d'Angoulême. La sélection pour le Grand prix du Festival international de la BD ne comptait que des hommes, ce qui a entraîné une vive réaction de la part des femmes auteures de bande dessinée. Mais c'est seulement quand Riad Sattouf et d'autres nommés (Milo Manara, Joann Sfar) ont décidé de quitter la sélection pour protester que l'affaire fut médiatisée et que le Festival dut après quelques jours de bazar public rétropédaler. Pour tenter de mettre le problème #OscarsSoWhite pour de bon sous les projecteurs, il faudrait qu'un grand acteur ou une grande actrice annonce publiquement soutenir le boycott et se retirer de la compét des Oscars 2016. DiCaprio ou Cate Blanchett qui se retirent de la course ? De la science-fiction, assurément.

La 88ème cérémonie des Oscars aura lieu le 28 février prochain.