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Réalisateur du drame sudiste âpre et violent Joe - présenté en même temps aux festivals de Venise et Deauville - avec un Nicolas Cage d'une justesse folle, David Gordon Green est un réalisateur texan dont la carrière fait sans cesse des virages : la comédie Apatow-like avec Délire Express et Baby-Sitter, la fantasy parodique avec Votre Majesté, la comédie rurale avec Prince of Texas... Jamais là où on ne l'attend, il était pourtant au rendez-vous au Festival de Deauville où Première l'a rencontré.Ce qui frappe dans Joe, ce sont ses moments hyperréalistes...A l'origine le roman de Larry Brown se déroule dans le Mississipi, mais j'ai tourné dans mon Texas natal, que je n'ai jamais quitté. Les décors sont 100% vrais. Les acteurs aussi. Le shérif c'est mon voisin, les ouvriers qui bossent avec Joe sont de vrais journaliers locaux qu'on a recrutés, etc. Le plus impressionnant c'est Gary Poulter, qui joue le père alcoolique. Il vivait dans la rue pour de vrai. Il dansait le break pour faire la manche. Il a passé le casting pour jouer l'épicier mais en le voyant je me suis dit qu'il serait parfait pour le rôle. Et ce bien que de grands acteurs hollywoodiens voulaient jouer le père. Non, je ne peux pas dire qui... Malheureusement Gary est mort avant qu'on ait terminé le film. Il n'a pas pu le voir.Comment on bosse avec Nicolas Cage ?Il m'a appelé deux jours après avoir reçu le scénario, il m'a dit qu'il avait adoré et voulait me rencontrer pour en parler... Je devais au même moment faire les repérages de Prince of Texas dans l'arrière-pays bien rural. Il a décidé de m'accompagner. Tu imagines ? Rouler à travers le Texas avec Nicolas Cage pour faire le location scout ? Sur le tournage il a apporté une technique (skill) dingue, mais ce que j'adore c'est qu'il n'a pas peur de la mort. Il y a une scène où il capture un serpent. On en avait trois : un faux en caoutchouc pour les plans larges, un vrai mais inoffensif pour les gros plans et un vrai mocassin d'eau hyper venimeux pour les plans sans acteurs. Evidemment il a choisi de prendre le venimeux. Ce sont ses vrais tatouages qu'on voit, sinon. C'est la première fois qu'il les montre à l'écran. J'en suis fier. Il a dû appeler son tatoueur pour avoir la permission. Ah, et c'est sa vraie barbe, aussi (rires).Vous avez une carrière très éclectique. On a même parlé de vous pour le remake de Suspiria de Dario Argento...Ouais, mais je crois que Suspiria se fera sans moi à la réalisation. J'ai écrit le scénario, mais je sais pas ce qu'ils vont en faire. Il faut s'attendre à ce que d'autres réécrivent par-dessus, donc... J'aime bien brûler mes vaisseaux, ne pas regarder derrière et faire toujours un film différent du précédent. Là je prépare un polar, Manglehorn, avec Al Pacino. Je ne sais pas s'il a des tatouages à montrer.Propos recueillis par Sylvestre PicardVoir aussi : REVIEW - Joe, un drame sudiste râpeux et percutant