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PREMIÈRE : Lors de la promotion d’Astérix et Obélix : Au service de sa majesté, il a été dit que le film devait réaliser 6 millions d’entrées pour être rentable. Avec 3,8 millions de spectateurs, doit-on parler de catastrophe industrielle ?MARC MISSONNIER : Lorsqu’il est question de rentabilité, on évoque en fait le point mort du distributeur, c’est-à-dire le nombre d’entrées à partir duquel ce dernier amortit son minimum garanti – l’investissement qu’il a fait dans le film et ses frais d’édition. Pour lui, le manque à gagner est important.Justement, Vincent Maraval, l’un des fondateurs de Wild Bunch, qui a distribué le film, a fait sensation les salaires inflationnistes des stars et en montrant du doigt, notamment, celui de Dany Boon.MARC : Vincent s’est trompé sur le cachet de Dany dans Astérix, inférieur à ce qu’il a mentionné. Par ailleurs, le cumul des salaires de toutes les stars du film compte pour environ 8 % du budget total, qui s’élève à 61 millions d’euros. Cette proportion n’est pas choquante dans le cas d’Astérix. Elle le devient lorsque la rémunération des talents, qui ne sont pas que des acteurs, déséquilibre le budget d’un film. Un producteur n’est jamais obligé de valider les prétentions salariales d’untel ou d’untel. Il lui revient d’arbitrer.Vous êtes-vous sentis visés par cette tribune ?MARC : Vincent a cité plusieurs fois Astérix ou des acteurs qui jouent dans des films que nous avons produits – et pour cause puisqu’il les a pratiquement tous financés ! Donc oui, nous nous sommes sentis visés. Mais ce qu’il a voulu pointer, avec un style qui n’appartient qu’à lui, c’est la conjonction de deux phénomènes : le contexte difficile rencontré par les films français ces derniers mois et l’accroissement des rémunérations de quelques acteurs emblématiques. Il s’inquiète, à juste titre, pour l’équilibre économique de notre secteur. Mais nous n’avons pas attendu son cri d’alarme pour y travailler, des discussions sont en cours depuis des mois. Nous sommes aujourd’hui à un tournant de notre activité, qui est confrontée à des crispations importantes : tensions sociales, opposition entre indépendants et groupes, remise en question de notre système d’aides au niveau européen, intégration des acteurs du numérique, etc. Nous devons faire preuve de sens des responsabilités et œuvrer pour l’intérêt général.Cette affaire remet-elle en cause vos collaborations futures avec Wild Bunch, dont la suite du Petit Nicolas ?MARC : Pas du tout. Je pense que si Maraval n’avait pas cité Astérix, film le plus cher de l’année, on le lui aurait reproché.Pour en revenir au film, avez-vous mésestimé la dégradation de l’image de la saga après le médiocre Astérix aux jeux Olympiques ?OLIVIER DELBOSC : Le troisième volet que vous évoquez surfait sur la confiance et l’engouement suscités par Astérix & Obélix – Mission Cléopâtre, d’Alain Chabat. Pour le nôtre, à l’inverse, la méfiance et la réserve étaient de mise. Notre communication n’a pas dû être assez bonne pour pallier ce manque de désir. C’est une évidence, sinon nous n’aurions pas fait aussi peu d’entrées la première semaine.Quelle autre autocritique formuleriez-vous ?MARC : Aujourd’hui, on ne ferait pas le film en 3D, même si, de l’avis des spécialistes, elle était aboutie. Lorsque nous avons pris la décision de tourner le film ainsi, l’attrait pour la 3D était fort. Nous nous sommes donc donné les moyens de tourner en relief, ce qui a augmenté le budget de 4 à 5 millions d’euros. Lors de la sortie, on a hélas constaté que le public préférait voir le film en 2D car le billet était moins cher... Ce qu’on pensait être un atout s’est révélé un fil à la patte.OLIVIER : Les spectateurs sont désormais hyper exigeants et prudents. Ils ne vont plus au cinéma s’ils n’en ont que moyennement envie.MARC : Il aurait peut-être aussi fallu rajouter deux ou trois gags de plus, qui ont du coup fait défaut dans la bande-annonce. On en a parlé avec Laurent Tirard, sans remettre en question le film, que nous aimons beaucoup.Le DVD et surtout le Blu-ray sont très attractifs. Pensez-vous que votre Astérix va avoir une belle deuxième vie en vidéo et en VOD, puis une troisième à la télé ?OLIVIER : À la télé, c’est certain. Les gens voudront le voir. En ce qui concerne la vidéo, nous sommes tributaires d’un marché qui s’effondre un peu.MARC : Nous avons en tout cas soigné les éditions vidéo. Mieux vaut essayer de faire de vraies propositions éditoriales plutôt que de se la jouer « petit bras »Propos recueillis par Christophe Narbonne