Musée Ghibli @YouTube LPN44 BKK

"Merci, Paku-san." Très ému, le cinéaste a rendu hommage à son confrère hier, dans les locaux du musée Ghibli.

Hier, au Japon, le musée Ghibli organisait une ultime cérémonie en hommage à Isao Takahata, le cofondateur du studio qui est décédé le 5 avril dernierHayao Miyazaki a fait ses derniers adieux à son ami au cours d’un discours très émouvant, où il a tenté d’expliquer son surnom, Paku-san, est revenu sur son addiction à la cigarette, sur leur rencontre en 1963, et évidemment sur le talent du réalisateur du Tombeau des lucioles.

Isao Takahata en 7 films

Son discours a fait le tour des médias japonais. Le voici, sous-titré en anglais, puis traduit en français juste en dessous de la vidéo :


"Je ne suis pas très sûr de l’origine de son surnom, Paku-san. En tout cas, il a toujours eu du mal à se lever, le matin, et c’était toujours le dernier à arriver. Quand il a commencé à travailler à Toei Animation, il arrivait en courant à la dernière minute. Une fois qu’il avait poinçonné sa carte, il pouvait enfin mordre dans le gâteau qu’il avait apporté pour le petit déjeuner et boire un peu d’eau du robinet. C’est peut-être pour ça ? Excusez-moi, ce n’est pas un véritable éloge funèbre, mais j’ai écrit quelques mots sur Isao Takahata que j’aimerais vous lire. J'ai toujours pensé que Takahata vivrait jusqu'à 95 ans. Mais il est parti et je me rends compte qu’il ne me reste plus beaucoup de temps à moi non plus. Il y a 9 ans, nous avons reçu un appel de son docteur qui nous demandait : ‘Vous êtes ses amis, dites-lui d'arrêter de fumer’. Il était très sérieux, et j’avais peur qu’il se fâche. Avec Suzuki-san (le troisième producteur phare du studio), nous nous sommes assis à une table avec lui, et on lui a répété ce conseil. C’est la première fois que je m’adressais à lui avec autant de sérieux. Je lui ai dit : ‘S’il te plait, Paku-san, arrête de fumer.’ Puis Suzuki a ajouté : ‘S’il te plait, comme ça tu pourras continuer à travailler’. On s’attendait à des tonnes d’excuses et d’objections de sa part, mais il nous a remercié et il l'a fait. Il a vraiment arrêté les cigarettes. J’ai même fait exprès de fumer à côté de lui pour le tester et il m’a dit : ‘Ça sent bon, mais j’ai promis de ne plus jamais refumer.’ Il était bien plus fort que moi. Je pensais vraiment qu’il vivrait jusqu’à 95 ans.
On s’est rencontré en 1963 en attendant le bus. Il avait 27 ans et moi 22. C’était un soir pluvieux et je le revois s’approchant de moi : ‘J’ai entendu dire que vous aviez rendez-vous avec Takuo Segawa ?’ J’ai immédiatement vu en lui une personne calme et intelligente. Je venais de rencontrer Takahata-san. Paku-san. Je m’en souviens parfaitement, même si c’était il y a 55 ans. (Hayao ne peut retenir un sanglot) Plus tard, on s’est revus en travaillant chez Toei Animation. Il avait été élu vice-président et moi, j’étais le secrétaire général. C’était une période difficile car on avait beaucoup de pression. Mais on passait des heures à discuter, on parlait surtout de nos films, pendant toute la nuit. On n’était jamais satisfait de notre travail, on rêvait d’aller plus loin, de nous dépasser, de créer quelque chose dont on serait fiers. On ne savait pas comment s’y prendre, mais Paku-san, tu étais si doué. Je suis heureux d’avoir pu rencontrer un homme aussi intelligent. Paku-san, à l’époque, nous étions au meilleur de notre forme. Tu étais fort, tu ne te laissais pas faire et ton attitude nous inspirait. (Il pleure à nouveau) Merci, Paku-san, je n’oublierai jamais la première fois que tu m’as parlé à l’arrêt de bus à la fin d’un jour pluvieux."

Isao Takahata : "Je m'accroche plus au réel que Miyazaki"