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VIDEOS - Les adaptations de William Faulkner à l'écran

Faulkner à l'écran

As I Lay Dying de James Franco n?est pas la seule adaptation de Faulkner. Mais c?est sans doute la plus fine et la plus intelligente. La preuve par 4.<strong>Par Pierre Lunn</strong>

La Ronde de l'aube

<strong>C?est quel livre ?</strong> <em>Pylone</em>, l?histoire de hoboes qui vivent en marge de la société et rencontrent un journaliste. Leur vie va changer radicalement.<strong>Ca vaut quoi ?</strong> Jusqu?ici la meilleure adaptation de Faulkner. En noir et blanc immaculé, Sirk raconte le mal de vivre d?un couple (Robert Stack face à Dorothy Malone), leurs cicatrices, leurs ricanements - brechtiens. Sirk reprend la trame du bouquin de Faulkner pour infuser ses obsessions : son exaltation Cinémascope se réfugie dans la tête des personnages, laissant l'écran large. Le mélodrame n'en rend pas l'âme pour autant. Sur le texte de William Faulkner, Douglas Sirk s'invente une sentimentalité à la Tennessee Williams, répétitive, obsessionnelle. Il y a de la mort dans l'air, de la tragédie, du trivial. 

Le Bruit et la fureur

<strong>C?est quel livre ?</strong> Le roman éponyme. Pour la plupart, le chef d??uvre de Faulkner. Vertigineux par sa tendresse et sa compréhension de la complexité humaine, <em>The Sound and the Fury</em> possède une construction étrange et azimutée ? forcément inadaptable au cinéma. Construit comme un Culbuto, le livre mélange les temps, les actions, les personnages (avec parfois les mêmes prénoms) dans un magma psychologique hallucinant. Labyrinthe subjuguant, le quatrième roman de Faulkner établissait définitivement le sudiste au panthéon des écrivains de la modernité.Ca vaut quoi ? Après avoir rassemblé plusieurs histoires de Faulkner dans un pot vraiment pourri (l?incolore <em>Long Hot Summer</em>), les producteurs du film rejouent la mise en reprenant le cinéaste Martin Ritt et le duo de scénaristes pour s?attaquer au chef d??uvre de l?écrivain. Sacrilège ? Pas loin s?il n?y avait pas la beauté fatale de Woodward. Le film se recentre sur la <em>coming of age story</em> de Quentin (Joanne Woodward donc) oubliant au passage la galerie de personnages, les allers-retours incessants entre les époques et les lieux. Il ne reste plus grand chose du style fragmenté et complexe du génie sudiste et <em>Sound and the fury</em> devient une histoire d?amour banale sur fond de soleil abrasif qui souffre d?un casting disparate (Joan Woodward face à Yul Brynner ?). On zappe. 

Les Reivers

<strong>C?est quel livre ?</strong> <em>Les Larrons</em>, le dernier roman de Faulkner. Une bizarrerie dans la bibliographie de Faulkner puisqu?il s?agit d?un bouquin plus léger, plus simple dans sa construction. Du coup <em>Les Larrons</em> fut souvent considéré comme mineur. Le bouquin raconte l?escapade de trois pieds nickelés (un jeune blanc, son domestique et un noir) partis à la ville pour retrouver une prostituée.<strong>Ca vaut quoi ?</strong> Belle odyssée mélancolique mais encore plus, beau film d?initiation, Les Reivers ressemble à l?écran moins à du Faulkner qu?à du Mark Twain. Plus cool et plus aérien que les autres films adaptés de l?écrivain, le film de Mark Rydell est un spectacle familial qui combine nostalgie, romance et divertissement avec une belle maîtrise. McQueen est parfait et la course de chevaux finale reste longtemps en mémoire. 

Sanctuaire

<strong>C?est quel livre ?</strong> Le plus beau, le plus fou, celui dont Malraux disait : « <em>Sanctuaire</em>, c'est l'intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier. » Et celui pour lequel André Gide avait écrit : « J'ai pensé devenir fou d'horreur et de détresse en lisant <em>Sanctuaire</em> ». Le roman est centré sur Temple Drake, jeune fille de bonne famille qui s'évade un soir de son collège avec un jeune homme ivre. Leur voiture s'échoue à proximité d'une vieille maison où l'on trafique de l'alcool. Temple ne sortira pas indemne de cette cabane et ce n?est que le début d?une odyssée du mal.<strong>Ca vaut quoi ?</strong> Mélo mécanique produit par Zanuck, le film de Tony Richardson combine <em>Requiem pour une nonne</em> et <em>Sanctuaire</em> pour raconter une nouvelle <em>coming of age story</em>. Lee Remick fait ce qu?elle peut pour faire exister Temple Drake (le personnage nuancé du roman devient une fille un peu sotte et dégénérée), tandis qu?Yves Montand joue le dur à cuire comme il peut. Encore une fois, on ne prend que le vernis sudiste et sulfureux de Faulkner pour en faire un récit crapoteux.

As I Lay Dying

<strong>C'est quel livre ?</strong> <em>Tandis que j'agonise</em>, le cinquième roman de Faulkner dont le titre emprunte à Homère un vers de son <em>Odyssée</em>. Récit éclaté à narrateurs multiples écrit juste après <em>Le Bruit et la fureur</em>, le roman que l'auteur se vantait d'avoir écrit en six semaines sans en avoir revu un seul mot suit l'odyssée d'un père et ses enfants partis enterrer la mère à 40 miles de la ferme familiale, dans le Mississippi.Ca vaut quoi ? <em>Tandis que j?agonise</em> est un Faulkner classique : raconté par plusieurs dizaines de narrateurs, cette odyssée plouc est un chef-d?oeuvre réaliste doublé d?un poème fantasmagorique. Inadaptable donc. Pourtant, Franco a décidé de s?y attaquer en prenant le risque de la fidélité au roman : il utilise les split screens pour rendre la multiplicité des points de vue, alterne scènes cut et monologues face caméra pour traduire l?intensité furieuse du vagabond sudiste, réussissant à capter la violence des paysages et les gestes dérisoires des hommes à travers des visions épiques (la traversée du fleuve, l?incendiede la grange) typiquement faulknériennes. Si certaines affèteries devraient en irriter plus d?un, l?ambition du film, sa radicalité, confirment que Franco est loin d?être en toc. 

As I Lay Dying de James Franco n’est pas la seule adaptation de Faulkner. Mais c’est sans doute la plus fine et la plus intelligente. La preuve par 4.Par Pierre Lunn