La Plateforme (Netflix)
Netflix

Quelques explications s’imposent.

Attention spoilers : cet article révèle d’importants éléments de l’intrigue de La Plateforme. 

La Plateforme est une expérience dérangeante, tant psychologiquement de par les interrogations qu’elle soulève (que ferions-nous dans cette prison cauchemardesque ?) que visuellement avec ses nombreuses scènes gore. Mais on en ressort aussi décontenancé par son final assez incompréhensible au premier abord. Pourtant, en démêlant quelques fils, il est possible de trouver un sens à ce film espagnol sorti récemment sur Netflix. 

Quel est le message du film ? 

Loin d’être un simple pamphlet anticapitaliste, La Plateforme concentre plutôt sa critique sur la nature humaine. Contrairement à ce que pense au début Goren, le personnage principal, la cruauté de la prison est due aux hommes, non au système. "Vous êtes de ceux qui croient que tout ce que fait l’Administration est mal", lui dit d’ailleurs Trimagasi, son voisin de cellule. 

De fait, Goren s’aperçoit rapidement qu'il est impossible de faire entendre raison aux prisonniers. Ceux qui se retrouvent en haut refusent de partager avec ceux d’en bas. Et quand il parvient à "convaincre" la cellule inférieure de le faire, c’est en les menaçant de déféquer sur le buffet. "Mais je ne peux pas chier sur ceux d’en haut", fait-il remarquer à Imoguiri, qui croit elle aussi pouvoir changer la situation. 

A la fin du film, Goren lit un passage de Don Quichotte qui corrobore cette analyse : "Le grand adonné au vice sera un grand vicieux, et le riche sans libéralité est un mendiant avare. Le possesseur des richesses ne se rend pas heureux de les avoir, mais de les dépenser, et non de les dépenser à tout propos, mais de savoir en faire bon emploi". La suite du texte, non lue dans la scène, évoque un "chevalier pauvre" qui n’a "d’autre chemin pour montrer qu’il est chevalier que celui de la vertu". Transposé au film, Goren serait Don Quichotte, Baharat Sancho Panza et la plateforme les moulins à vent du livre de Cervantes. 

La Plateforme : que vaut le thriller SF espagnol sorti sur Netflix ?

La petite fille et la panna cotta

Mais comment interpréter le dénouement de l’histoire ? Deux visions sont possibles. La fille de Miharu existe bel et bien malgré les dénégations d’Imoguiri (la jeune femme était peut-être enceinte quand elle a intégré la prison ?), elle est sauvée par Goren et Baharat, et son retour à la surface va montrer à ceux qui gèrent la prison qu’il faut changer l’organisation pour empêcher que ceux d’en bas meurent de faim ou s’entre-tuent. Une analyse acceptable mais dont l’optimisme tranche trop avec la tonalité sombre du film. 

L’autre interprétation, c’est qu’il n’y a pas d’enfant en bas. Tout n’est qu’une illusion dans l’esprit d’un Goren agonisant. "La panna cotta est le message", répétait Baharat. Celle-ci n’a pas été mangée et remonte bien au niveau zéro alors que les deux hommes ont succombé à leurs blessures. Mais sa signification est-elle comprise par le système ? Pas vraiment, si on se souvient de la scène se déroulant en cuisine qui intervient au bout de 30 minutes dans le film et semble en être la vraie conclusion. On voit le responsable passer un savon aux cuisiniers, cherchant à savoir qui a laissé un cheveux sur la panna cotta, seule raison pour laquelle le dessert n’aurait pas été mangé… 

Ceux qui préparent le festin quotidien ne savent visiblement pas ce qu’il se passe en bas. Pour mettre en place un système égalitaire qui permettrait à tous de survivre, les prisonniers ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Autant dire qu’ils sont condamnés à poursuivre ce cycle cruel et morbide…