blade runner
Warner

Les puristes dénombrent pas moins de 8 montages du film de SF de Ridley Scott. Celle qui revient à la télévision est la préférée de son réalisateur.

"J'ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire."

L’histoire des versions de Blade Runner mériterait à elle seule une série de documentaire, tant elle fourmille de rebondissements ! En 1982, Harrison Ford, Ridley Scott et leurs producteurs avaient des points de vue divergents sur cette histoire de Réplicants. Fallait-il donner clairement la clé de l'énigme aux spectateurs ? Ou au contraire terminer l'histoire en lui laissant le doute sur la véritable identité du personnage principal, Rick Deckard ?

On sait aussi que le réalisateur avait manqué d'argent pour tourner tous les plans qu'il avait en tête, si bien que quelques images ont été reprises de Shining, tourné deux ans plus tôt par Stanley Kubrick. Et il ne faut pas oublier que cette multiplication de versions est aussi une technique marketing pour surfer sur son succès tardif… En effet à sa sortie, Blade Runner avait rapporté moins de 50 millions de dollars au box-office. Son statut de film culte, il l'a surtout gagné au fil des ans, des rediffusions et des sorties en VHS, DVD puis blu-ray.

Ce projet hors normes de Ridley Scott revient donc sur Arte, et la question que les fans peuvent légitimement se poser est la suivante : "quelle est la version proposée ?" Sans grande surprise, il ne s’agit pas de celle sortie en salles en 1982, mais du Final Cut de 2007. A ne pas confondre avec le Director's Cut de 1991 ou pire la version frauduleusement appelée le Director's Cut qui était en fait une copie en 70mm retrouvée du Workprint.

Première Classics : Quand Harrison Ford et Ridley Scott parlaient de Blade Runner en 1982

Blade Runner - Final Cut

Cette édition du 25e anniversaire, d’une durée de 117 minutes, est sortie en salles le 5 octobre 2007, puis elle a cartonné en vidéo. C'est la seule sur laquelle Scott a eu le contrôle total de la direction artistique, bien qu'il n'ait pas pu utiliser certains plans tournés à l'époque, car trop abimés par le temps.

Elle ressemble beaucoup à son Director's Cut de 1991, mais avec un soin particulier mis à rénover la qualité de ses images et du son. C’est la version préférée de Scott, comme il l'explique dans cette vidéo des bonus, ci dessous. Depuis qu'elle figure sur les DVD et blu-ray du film, c'est celle-ci qui est généralement choisie pour les rediffusions de Blade Runner à la télévision ou en streaming.


Comment Rutger Hauer a improvisé le légendaire monologue final de Blade Runner

Pour arrêter de confondre une bonne fois pour les différents montages du film, voici une rapide présentation des précédentes versions de Blade Runner.

Attention aux spoilers : la plupart des changements sont liés à la scène de fin.

Version sortie dans les salles américaines (1982)
Elle dure 116 minutes et elle est immédiatement reconnaissable par l'utilisation de la voix off de Harrison Ford, et de sa scène de fin heureuse. On y voit Gaff (Edward James Olmos) épargner la vie de Rachel (Sean Young). La jeune femme s'échappe alors de Los Angeles en voiture avec Deckard, et le paysage que le couple traverse a été filmé non pas par Ridley Scott, mais par Stanley Kubrick pour Shining. Le cinéaste britannique a donné son accord pour que la Warner Bros, qui a produit ces deux films, puisse utiliser ces quelques plans aériens, et ainsi faire des économies.

Bien qu'elle ait été sélectionnée pour être diffusée dans les cinémas américains, cette version n'est pas véritablement l'originale, car d'autres avaient été conçues avant elle.

Le Workprint (1982)
Ce montage de 112 minutes avait été montré en projection test à Denver et Dallas, mais à l'époque, le public avait été confus de ne pas avoir de réponse claire à la question : "Deckard est-il oui ou non un Réplicant ?" Elle diffère des autres versions par plusieurs détails : la présentation des androïdes a été modifiée, quand Deckard joue du piano, il n'y a pas de licorne, ni de musique, la mort de Roy Batty (Rutger Hauer) est filmée de plus loin et commentée par Rick, le film s'arrête avant le "happy ending", lorsque les portes de l'ascenseur se referment et que Rachel s'en va. Enfin, il n'y a pas de générique de fin, simplement un carton "The End" et la musique de Vangelis. Le fait que ce montage ait reçu des avis négatifs lors des tests a poussé le studio a faire les modifications énumérées ci-dessus pour sa version cinéma.

L'avant-première à San Diego (1982)
Cette version n'a été montrée qu'une fois, avec trois scènes en plus du montage ciné du film, lors d'une projection à San Diego en mai 1982. D'infimes détails qui n'ont plus jamais été repris : Batty dans une cabine de vidéo-phone, Deckard qui recharge son arme après l'avoir blessé et Deckard en compagnie de Rachel au soleil couchant.

La version internationale (1982)
Longue de 117 minutes, elle est aussi connue comme l'édition "Criterion", et c'est elle qui fut initialement diffusée en France : elle avait été conçue pour les marchés européen, australien et asiatique, qui étaient plus permissifs en terme de violence : ce montage est un peu plus sanglant que la version américaine, par exemple lors de la traque de Zhora (Joanna Cassidy). Elle a fini par sortir aux USA, en VHS et laserdisc, dix ans plus tard : cette ressortie de 1992 est surnommée "la réédition du 10e anniversaire."


Ridley Scott a été forcé de choisir entre Alien : Covenant et Blade Runner 2049

La version télé de CBS (1986)
A l'inverse, pour pouvoir montrer Blade Runner sans écoper d'une trop forte interdiction, la chaîne a décidé de réduire sa violence, ses gros mots et sa nudité. D'où cette différence de 3 minutes par rapport au montage européen : celle-ci n'en comptabilise que 114 vs. 117. Cela fait tout de même 2 minutes de plus par rapport au Workprint, car sa diffusion fut précédée d'un carton expliquant d'emblée que Deckard n'est pas un Réplicant, et la présentation d'ouverture était un peu plus longue et différente.

Le Director's Cut non officiel (1990)
Un montage conçu à partir du Workprint, redécouvert en 1989 par le conservateur et restaurateur Michael Arick, fait sans l'accord du réalisateur, mais qui a beaucoup plu au public. Celui-ci croyait avoir mis la main sur un montage inédit du film, et la firme a validé sa diffusion dans plusieurs cinémas américains avant de se rendre compte de son erreur.

En le découvrant Ridley Scott se montre très critique, notamment à cause de l'absence de la musique de Vangelis lors d'une scène clé du film, temporairement remplacée par une partition de Jerry Goldsmith pour La Planète des singes ! Comprenant qu'ils avaient autorisé trop vite sa diffusion, la Warner va retirer cette version des salles pour proposer le vrai Director's Cut peu de temps après.

DR

Le (vrai) Director's Cut (1991)
Blade Runner ayant un regain de popularité au début des années 1990 grâce à la diffusion du mauvais Director's Cut, Ridley Scott ne tarde pas à retoucher son film, avec l'aide de Michael Arick, qui est malgré lui à l'origine du cafouillage. Il fait supprimer la voix off de Deckard -présente tout de même à 13 reprises !- il ajoute le rêve de la licorne dans la forêt, une question de Gaff à Deckard ("Es-tu sûr d'être humain ?"), et surtout, il fait supprimer la fin optimiste pour ce plan plus ambigu sur les portes de l'ascenseur. Bref, il remet le doute sur la véritable identité de son protagoniste.

Absorbé par la fabrication de Thelma et Louise, il avouera plus tard ne pas avoir été assez disponible pour bien peaufiner ce Director's Cut. C'est pour ça qu'il va retoucher une dernière fois son films en 2007 avec le Final Cut, diffusé partout depuis. Harrison Ford, qui considère lui depuis le début que Deckard n'est pas un Réplicant (il a toujours répété l'avoir joué comme un humain), a expliqué en 2000 à propos de ce Director's Cut qu'il le considérait comme "spectaculaire, mais réduit à un exercice de style."

L'édition DVD de 1997 vs. celle de 2006
Pour la resortie des 15 ans, c'est le Director's Cut qui est choisi, malheureusement la production à partir du laserdisc de 1993 offre une qualité de son et d'image assez faible. En préparant son Final Cut, Ridley Scott a pu au passage redonner à Blade Runner une restauration plus prestigieuse, en 2K et 5.1. Cette remasterisation du Director's Cut a été commercialisée en 2006, soit un an seulement avant le Final Cut.

La bande-annonce de Blade Runner


La genèse de Blade Runner 2049 par son scénariste Hampton Fancher