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De Bresson à Spielberg, Todd Solondz réagit à notre blind-test.

Entre la fable trash et le film à sketches, la chronique douce-amère et le film de chien, Le Teckel est un drôle d'animal. Son réalisateur Todd Solondz, satiriste en chef du cinéma indépendant US, nous aide à en établir le pedigree, à partir des titres que nous lui avons soumis.

Au hasard Balthazar (Robert Bresson, 1966)

 

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Un âne passe de main en main et révèle les vices des hommes. Remplacez l’équidé par un chien et vous voilà chez Todd Solondz.
Todd Solondz : « C’est une référence évidente, que je revendique totalement. Sans Balthazar, pas de Teckel. Je l’ai découvert quand j’avais une vingtaine d’années, c’est un chef-d’œuvre auquel je reviens régulièrement. J’aime son concept, sa structure. J’avais toujours eu envie de faire un film sur un chien, et c’est grâce à Bresson que j’ai pu imaginer qu’il irait d’un propriétaire à l’autre. C’est seulement ensuite que j’ai compris que le sujet, ce n’est pas l'animal, mais l’angoisse de la mort, l’ombre qu’elle fait planer sur nos vies. »

Beethoven (Brian Levant, 1992)

 

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Que choisir comme emblème du film de chien ? Lassie ? Le Chihuahua de Beverly Hills ? On a opté pour le saint-bernard star des 90s…
« Oh, c’est le film avec le gros chien, c’est ça ? Je ne l’ai jamais vu, j’avais passé l’âge quand c’est sorti. J’avais plutôt en tête les films animaliers des sixties, comme Vivre libre, sur les aventures d’un lion en Afrique. Des films que je n’avais pas le droit de voir, d’ailleurs, car j’ai grandi dans un milieu très conservateur. Plus tard, dans les années 70, j’ai quand même accompagné mon petit frère voir Benji. J’étais déjà un peu vieux mais c’est resté pour moi la grande référence du genre. »

Pink Flamingos (John Waters, 1972) 

 

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L’une des scènes les plus ahurissantes du Teckel est un long travelling latéral sur une allée constellée de crottes de chien… Et qui dit caca canin dit forcément John Waters.
« Je me doutais qu’on allait parler de Pink Flamingos. La scène où Divine mange une crotte de chien est un sommet scatologique, les gens font souvent la connexion avec mon film. John Waters reste un maître, une influence séminale doublée d’une icône culturelle. Mais très franchement, je pensais surtout à Godard en tournant cette scène. Vous savez, le long travelling de Week-end… Disons que c’est mon hommage scato à John Waters et Jean-Luc Godard. »

Les Nouveaux Sauvages (Damian Szifron, 2015)

 

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La comédie humaine croquée sous forme de sketchs, une idée de cinéma héritée de Dino Risi et récemment réactivée par Damian Szifron.
« Ça me glace le sang de parler des Nouveaux Sauvages : je suis persuadé que le pilote fou de Germanwings, celui qui a crashé cet avion dans les Alpes, s’est inspiré du premier sketch de ce film… C’est étonnant d’ailleurs que personne n’ait fait le rapprochement. A part ça, désolé, mais ce genre-là ne m’intéresse pas du tout. Ces films « omnibus », comme on les appelle. Je sais que Pasolini en tournait dans les années soixante, je connais Paris, je t’aime… Il y a une vraie continuité dans Le Teckel, je n’arrive pas à le voir comme un film à sketchs. »

Cheval de guerre (Steven Spielberg, 2012)

 

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Il n’y a pas que Robert Bresson dans la vie. Spielberg aussi a raconté l’histoire d’un animal-miracle et de ses différents maîtres.
« Je ne l’ai pas vu. Je pensais que vous alliez me parler de Zéro de conduite, pour les ralentis sur l’enfant qui saute au milieu des plumes d’oreiller. J’avais aussi en tête ce film des années 50, Reviens petite Sheba, quand j’ai tourné la scène où Ellen Burstyn appelle le chien : « Cancer ! Cancer ! » On pourrait aussi citer Five Easy Pieces, pour le road-trip de Greta Gerwig. Mais Cheval de guerre, je ne m’y attendais pas. Je crois bien que c’est la première fois de ma vie qu’on me compare à Spielberg. Il faut dire qu’on ne fait pas tout à fait le même genre de films, lui et moi... »

Le Teckel, de Todd Solondz, actuellement en salles.