Comment avez-vous adapté Daniel Pennac ?Nicolas Bary : J'avais lu le roman au collège, et j'ai redécouvert le bouquin au moment des Enfants de Timpelbach. Je l'ai relu en imaginant tout de suite comment l'adapter au cinéma. Le côté visuel, le côté famille (j'ai une soeur et un frère de dix et douze ans de moins), les contrastes (je suis issu d'une famille de musiciens classique alors que j'écoutais du metal). Au début Daniel Pennac ne voulait pas être adapté. Il était inquiet, mais il s'est vite rendu compte que l'adaptation respectait son univers.Raphaël Personnaz : La sève de la saga est bel et bien là. On a été très bien reçus lors de la projo au Festival du film d'Angoulême, on ne nous a pas jetés des cailloux ! Tout le monde a été plutôt surpris. Ce n'est pas le film du livre, c'est un vrai film à part entière, avec des libertés d'adaptation.La date de sortie du film a été repoussée de six mois. Pourquoi ?Nicolas Bary : L'équipe de film - production et distribution - s'est rendue compte que le film leur plaisait, mais ils ont réalisé qu'ils ne savaient pas encore comment bien le positionner côté promo. C'est pour ça que la date de sortie a été décalée. Le film a été fini dans les temps, comme prévu. Comment vendre un film avec autant de niveaux de lecture - et donc de public potentiel ? Les fans de Pennac, le public familial, etc. On a dû zapper le créneau des grandes vacances pour sortir le film à l'automne. Forcément, six mois de report ça paraissait long mais c'est la bonne décision. Le film serait sorti trop tôt. Mais tout ça a entraîné des rumeurs comme quoi le film aurait été remonté durant cette période... C'est évidemment faux.Pas trop dur de tourner avec des enfants ?Raphaël Personnaz : C'est génial de tourner avec les enfants. Ce ne sont pas des singes savants, impossible de leur demander de se calmer entre les prises. Un bordel continu. Il fallait improviser en permanence avec eux. Quand je raconte des histoires aux enfants, j'improvise à partir de deux lignes dans le scénario. Notamment le "langage girafe", quand je parle à la girafe en numérique dans un mélange d'africain et de japonais... C'était un grand moment de solitude sur le plateau. Tu dois parler à une girafe qui n'existe pas en plein dans un grand magasin. Tu te retrouves face à toute l'équipe et aux figurants qui ne sont pas forcément au courant. Nicolas Bary : J'avais vécu le cauchemar de tourner avec des enfants sur Timpelbach, en arrivant avec un film très préparé, très storyboardé, le tournage ne devant être que l'exécution de ce plan... Ma méthode a explosé au vol au bout de deux jours de tournage. En attaquant Au Bonheur des Ogres, j'ai profité de cette expérience : utiliser l'énergie des enfants plutôt que la subir.Rahaël, d'où vient la coupe de cheveux de votre personnage ?Raphaël Personnaz : Le look de Malaussène s'est fait petit à petit. Il fallait que je sorte d'une machine à laver. Costumes trop grands, pulls sous des vestes. Et surtout la coupe de cheveux, sponsorisée par des sous-marques de coiffeurs. Genre Franck Pravost (rires). La démarche est venue ensuite avec les mains dans les poches, l'accent parisien insolent...Ce n'est pas trop difficile de réaliser un film en France qui sorte de la grosse comédie ou du réalisme social ?Raphaël Personnaz : Je crois que les choses changent. Pendant les années 90 les films montraient des mecs dans des cuisines à discuter... Aujourd'hui on parle de cinéma français comme si c'était un style en soi. Comme si tu parlais d'un style "cinéma américain", tu m'expliques le rapport entre Man of Steel et The Descendants ? Aujourd'hui, c'est une aberration de dire "cinéma français". Il y a plein de styles visuels. Les gens ne vont plus au cinéma pour voir des types marmonner... Au Bonheur des Ogres a un vrai style, il y a à la fois le côté visuel hyper riche et un sous-texte beaucoup plus sombre.Une dernière chose. Dans le film, Julius le chien est épileptique. Ca existe vraiment ?Nicolas Bary : Malheureusement, les chiens épileptiques n'existent pas dans la vraie vie. Dans le film c'est évidemment une marionnette de chien, et c'est Raphaël qui devait la faire bouger...Raphaël Personnaz : Elle me collait de la bave dégueulasse sur les doigts... Je ne sais pas en quoi elle était faite. Je veux pas le savoir.Interview Sylvestre PicardAu Bonheur des Ogres de Nicolas Bary, avec Raphaël Personnaz, Bérénice Bejo, Guillaume De Tonquédec, demain dans les salles :